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  • Antoine Petris

Catalogne : un an après le choc


Drapeaux catalans sur un balcon
Mathias Reding / Unsplash

Un an après la plus grave crise constitutionnelle en Espagne depuis le coup d’Etat raté de 1981, la tension est toujours très vive en Catalogne. A l’automne 2017, le gouvernement régional catalan emmené par son président Carles Puigdemont décidait d’organiser un referendum d’indépendance de manière unilatérale jugé illégal par la Cour constitutionnelle espagnole. Malgré les appels du gouvernement central à revenir à la légalité, le vote avait finalement lieu le 1er octobre dans la plus grande confusion. La police nationale et la Guardia Civil sont envoyées sur place pour empêcher la tenue du scrutin. Des charges policières feront des centaines de blessés. En dépit des irrégularités frappantes (pas de listes électorales, possibilité de voter sans enveloppe voire de le faire plusieurs fois, etc.) le gouvernement régional catalan décide de proclamer de manière symbolique l’indépendance de la région le 27 octobre. Le soir même, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, utilisant l’article 155 de la Constitution permettant de suspendre l’autonomie d’une région, et avec le soutien du Parti Socialiste (PSOE) et du parti centriste Ciudadanos, destitue le gouvernement régional ainsi que le chef de la police régionale soupçonné de n’avoir pas appliqué l’ordre du juge d’empêcher le referendum. Des élections régionales sont également convoquées pour le 21 décembre. L’État espagnol prend dès lors le contrôle de la région.

graffiti catalan
(Joenomias) Menno de Jong / pixabay

Dans les jours qui suivent, Carles Puigdemont se réfugie en Belgique alors que son vice-président, Oriol Junqueras, et une partie de son ancien gouvernement sont envoyés en prison préventive et sont accusés de rébellion, l’un des crimes les plus grave du code civil espagnol passible jusqu’à 30 ans de prison. Ce chef d’accusation est décrit dans le code civil comme un « soulèvement violent et public pour renverser ou modifier l’ordre constitutionnel ». Cette accusation est rejetée par les leaders indépendantistes qui assurent mener un processus démocratique et pacifique qui repose sur la volonté du peuple catalan qui s’est exprimée en leur accordant une majorité absolue aux élections de 2015.

La campagne pour les élections régionales du 21 décembre apparaît dès lors pour les partis indépendantistes comme un referendum pour légitimer leur action. À l’inverse, les partis anti-indépendantistes appellent à revenir à l’ordre constitutionnel et au dialogue avec Madrid. Le soir du 21 décembre, c’est le parti centriste et anti-indépendance Ciudadanos qui arrive en tête avec 25% des voix, devant les formations Junts Per Catalunya (parti de Carles Puigdemont, élu député malgré son absence) et Esquera Republicana (ERC, parti d’Oriol Junqueras, lui aussi élu député). Les partis indépendantistes maintiennent leur majorité absolue mais perdent 2 sièges sur les 135 et doivent compter sur les 4 voix de la CUP, parti de gauche radicale anticapitaliste et favorable à une rupture unilatérale avec l’Etat espagnol. En pourcentage de voix, les partis indépendantistes ne récoltent néanmoins que 47.5% des suffrages.

La victoire des indépendantistes ne met pas un terme à la suspension de l’autonomie : un président régional doit être élu par le parlement. La première tentative est d’investir Carles Puigdemont, considéré comme le président légitime de la région. Mais celui-ci étant en Belgique et étant poursuivi par la justice espagnole, la Cour constitutionnelle déclare qu’il ne peut pas être investi. Le gouvernement central annonce dès lors que si les partis indépendantistes investissent le président destitué, la suspension de l’autonomie ne sera pas levée. Cette tentative montre aussi les divergences entre les indépendantistes. Le parti de Puigdemont pousse le président du parlement, Roger Torrent, membre de ERC, à planifier le vote. Mais celui s’y refuse pour ne pas risquer des poursuites judiciaires contre sa personne. Puigdemont décide finalement de « renoncer temporairement » à se présenter, et propose le leader de l’association indépendantiste ANC Jordi Sanchez comme candidat. Mais, étant soupçonné d’avoir mené des manifestations bloquant des opérations de police visant l’organisation du referendum, Sanchez est incarcéré depuis mi-octobre. Le juge refusant de le libérer pour qu’il puisse se présenter dans l’hémicycle, la tentative d’investiture est vouée à l’échec, d’autant plus que le gouvernement central insiste pour qu’un candidat n’étant pas sous la menace de poursuites judiciaires soit présenté.

Une troisième tentative est réalisée avec Jordi Turull le 23 mars. Ancien ministre dans le gouvernement destitué, M. Turull est alors en liberté provisoire après avoir passé un mois en prison au mois de novembre mais reste mis en examen. Une fois encore, la tentative est un échec : Jordi Turull ne parvient à obtenir une majorité absolue au premier tour, la CUP jugeant qu’il ne s’engage pas assez pour l’instauration de la République. Le lendemain et avant le second vote, le juge Llarena renvoie Turull et d’autres leaders indépendantistes en prison spécifiant le risque de fuite et de réitération. Cette décision crée la colère auprès des séparatistes qui dénoncent l’oppression de l’Etat espagnol et son autoritarisme.

Finalement, le 14 mai, le parlement catalan investit Quim Torra, un candidat désigné par Puigdemont. Il n’était pas membre du gouvernement destitué et n’est pas sous menace de poursuites judiciaires. Cependant, son profil « radical » et la découverte de tweets xénophobes anti-espagnols très virulents de sa part créent le scandale dans l’opposition. Le chef des socialistes Pedro Sanchez le qualifie de « Le Pen de la politique espagnole » et juge qu’il représente « la xénophobie et le racisme ».

Dans le même temps, suit à un mandat d’arrêt européen émis par la justice espagnole, Carles Puigdemont est arrêté le 25 mars en Allemagne. Après 8 jours en prison, il est laissé en liberté provisoire en attendant la décision de la justice allemande sur son extradition. Le 12 juillet 2018, l’extradition pour rébellion est rejetée et seule celle pour malversation de fonds est acceptée. Se sentant lésé, le juge Llarena la rejette. Puigdemont, lui, retourne en Belgique.

Le 2 juin, le jour de la formation du nouveau gouvernement catalan, le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy est renversé par une motion de censure, son parti (Parti Populaire) ayant été condamné pour corruption et son témoignage ayant été jugé peu « véridique » par la justice. C’est le socialiste Pedro Sachez qui devient président du gouvernement grâce aux votes du parti d’extrême gauche Podemos et des indépendantistes basques et … catalans.

Le nouveau président du gouvernement tente d’apaiser la situation et de renouer le dialogue. Il rencontre Quim Torra début juillet, des réunions entre le gouvernement central et régional sont organisées pour la première fois depuis 2011 et un nouveau statut d’autonomie garantissant plus de pouvoirs au gouvernement régional est envisagé par Madrid. Le gouvernement espagnol décide également de transférer dans des prisons catalanes les politiciens incarcérés afin de les rapprocher de leurs familles.

Les tensions restent tout de même importantes. Le gouvernement catalan continue de demander un referendum d’autodétermination négocié avec l’Etat et menace de retourner à la voie unilatérale pour créer un Etat indépendant. Lors des manifestations pour célébrer le premier anniversaire du referendum, des violences ont éclaté entre indépendantistes et unionistes. Des ultras indépendantistes ont même tenté d’envahir le parlement régional, déçus que le gouvernement catalan ne mette pas en application la République. Les deux partis indépendantistes sont eux divisés, ce qui bloque l’activité parlementaire et menace la stabilité du gouvernement. A Madrid, les députés catalans menacent de faire tomber le gouvernement socialiste qui est en minorité (84 sièges sur 350).

Le conflit semble donc loin d’être réglé. Le ministre des affaires étrangères espagnol Josep Borrell estime qu’il faudra 20 ans pour régler la fracture de la société catalane. En effet, ce sont deux moitiés qui apparaissent totalement divisées et qui ne se comprennent plus. Les affrontements sont fréquents, en témoignent les tensions autour des rubans jaunes (représentant les politiques indépendantistes incarcérés). Ces leaders seront jugés pour rébellion en 2019. Il est fort à parier que les décisions de justice provoquent de nouveaux épisodes tumultueux…

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