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  • François-Xavier Pipart

Endiguer la corruption, une nécessité en Roumanie


Depuis le début du mois de février, des manifestations de grande ampleur secouent les grandes villes de Roumanie comme Bucarest, Timisoara ou encore Sibiu. Ils étaient près de 300 000 à exprimer leur mécontentement à Bucarest le lendemain de la mise en place par le nouveau gouvernement d’un décret d’urgence qui limitait le pouvoir de la législation anti-corruption. Du jamais vu depuis les grandes manifestations qui avaient provoqué la chute du régime totalitaire de Ceausescu en 1989. Face à la pression, Sorin Grindeanu, le premier ministre, cède et abroge la loi anti-corruption trois jours seulement après sa mise en place. Une petite victoire pour le peuple roumain dont l’inquiétude est perceptible devant les premières actions de leur nouveau gouvernement.

Protest against corruption - Bucharest 2017 - Piata Universitatii
Mihai Petre / Wikimedia Commons

Une mesure bien polémique

Revenons tout d’abord sur le contenu de ce décret. Il avait pour but principal d’assouplir la législation anti-corruption. Ainsi, si ce décret avait été maintenu, une peine de prison aurait été de rigueur seulement si le préjudice lié à l’abus de pouvoir dépassait 44 000 euros et un cas de corruption aurait été pris en compte seulement s’il était dénoncé au maximum six mois avant les faits, ce qui réduit considérablement les possibilités d’être puni dans la mesure où les corrompus font évidemment tout pour garder leurs méfaits secrets. Ces points-là en particulier semblent avoir été rédigés pour le président du Parti Social-Démocrate (PSD) Liviu Dragnea puisqu’ils lui auraient permis de sortir du scandale de corruption dans lequel il baigne actuellement.

Ce qui a également suscité la colère des foules, c’est la manière dont ce décret est passé. La procédure s’est faite en catimini et dans la précipitation, en pleine nuit. Le gouvernement l’a imposé à tous alors qu’il savait pertinemment qu’une grande majorité des Roumains le désapprouvait. Cette manière de procéder n’est pas sans rappeler les sombres années de la Roumanie pendant la dictature de Ceausescu où les hauts dirigeants ne servaient pas le peuple mais leurs propres intérêts. En effet, ce décret n’aurait apporté aucun bienfait aux Roumains, mais aurait en revanche contribué à libérer quelques politiciens corrompus des entraves de la justice.

La corruption est profondément ancrée dans le pays

La corruption est un problème majeur dans le pays. Tout d’abord, la Roumanie occupe la 57ème place du classement 2016 de Transparency International qui estime le niveau de corruption dans un pays. A titre de comparaison, Cuba est 56ème du classement et l’Italie 60ème. Près de 2000 hommes politiques sont actuellement inculpés pour trafic d’influence ou détournement de fonds – et pas n’importe lesquels –.

Ainsi, Liviu Dragnea aurait utilisé les fonds des services sociaux du PSD pour rémunérer deux secrétaires. En 2014, le gendre et le frère de l’ancien président roumain Basescu ont été à juste titre accusés d’avoir recouru à des pots-de-vin. Depuis 2008, Cristian David, membre du Sénat depuis 2004, est impliqué dans plusieurs affaires de détournements de fonds. On pourrait multiplier les exemples.

Le président du PSD, Liviu Dragnea
Le président du PSD, Liviu Dragnea / Partidul Social Democrat / flickr

La corruption a toujours fait partie intégrante de la culture roumaine dans laquelle donner plus permet d’obtenir plus. Il est ainsi courant par exemple de donner un bakchich afin d’être mieux soigné lorsque l’on est à l’hôpital ou de faire des cadeaux aux enseignants dans les écoles publiques.

En revanche, la corruption systématique au sein du monde politique tire ses sources de la période communiste sous Nicolae Ceausescu où les pots de vin étaient monnaie courante. Cependant, malgré la chute de son régime en 1989 et le début de la transition démocratique, la corruption politique perdure. Pire, elle se propage, notamment durant les gouvernements du président Iliescu entre 1990 et 1996 puis 2000 et 2004. Un véritable système de mafia politico-économique favorisant l’enrichissement de la haute sphère politique se construit au plus haut niveau.

Une lutte encourageante

Depuis 2004, la Roumanie mène un combat contre ce fléau avec une certaine réussite. En 2014, le pays était 69ème du classement de Transparency International alors qu’il trône désormais à la 57ème place. Ces progrès sont liés à la mise en place de deux institutions qui luttent contre la corruption.

La Direction Nationale Anti-Corruption (DNA), créée en 2004, poursuit les corrompus et son bilan est pour le moins encourageant : en 2013, 1000 hommes politiques ont été mis en détention pour des cas de corruption, dont l’ancien premier ministre Adrian Nastase, qui a écopé de 2 ans de prison pour fraude électorale. Auparavant, il n’y avait qu’une dizaine d’inculpations par an. L’Agence Nationale pour l’Intégrité (ANI), créée en 2008 à la demande de Bruxelles, investit les cas d’enrichissement personnel et veille à l’application des sanctions après des investigations couronnées de succès. Enfin, désormais, employer un membre de sa famille est interdit pour un homme politique.

La nécessité d’un gouvernement transparent qui travaille pour le bien de son peuple

Les récents événements constituent un retour en arrière dommageable pour la Roumanie qui a besoin d’un gouvernement intègre pour se développer de manière optimale.

En effet, malgré le développement de la classe moyenne, encore trop de Roumains vivent dans une grande pauvreté. Le pays est coupé en deux entre les élites urbaines occidentalisées et les paysans des campagnes roumaines qui ne sont pas intégrées à la mondialisation et qui vivent pour beaucoup du troc. Cependant, le développement du pays est freiné par l’image qu’il renvoie à l’étranger : la Roumanie est vue comme un pays corrompu, où il serait risqué d’investir, et hostile, peuplée par des Roms qui sont vus comme des individus malhonnêtes. Comment prospérer et attirer des investissements avec une image aussi négative et avec une économie noire qui représente 31% du PIB national ? Jean-Claude Juncker, dans un communiqué, estime que « la lutte contre la corruption doit progresser, pas être défaite».

La Roumanie se doit de rompre avec cette image en ayant à sa tête un gouvernement intègre, qui n’entrave pas la justice, travaille pour l’intérêt général et non pas au profit de petits groupes. Elle se doit de se battre contre l’amalgame « Roms = Roumains » qui nuit à son attractivité. « On ne veut plus être regardés comme des petits escrocs, des petits magouilleurs » disait l’un des nombreux manifestants sur la place de la Victoire à Bucarest.

Aujourd’hui, la Roumanie est dirigée par un gouvernement dont on peut questionner l’intégrité et la volonté d’éradiquer la corruption. Sorin Grindeanu, au pouvoir depuis un mois seulement, semble amener le pays dans la mauvaise direction en envoyant un signal négatif dans le monde entier.

Sources :

http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/en-roumanie-les-manifestants-obtiennent-le-depart-d-un-ministre-le-peuple-roumain-s-est-reveille_2054923.html

http://www.lefigaro.fr/international/2017/02/08/01003-20170208ARTFIG00127-malgre-le-recul-du-gouvernement-la-roumanie-toujours-en-crise.php

http://duelamical.eu/fr/articles/157/corruption-la-roumaine-

http://www.diploweb.com/Transition-a-la-roumaine-de-1989-a.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/02/06/liviu-dragnea-le-visage-de-la-corruption-roumaine_5075212_3214.html

Sources des images :


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