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  • Chloé Hervet

L'Union Européenne face aux grandes puissances


Drapeau de l'UE
pixel2013 / Pixnio

Forte de son économie et de l’influence diplomatique de ses membres, l’Union Européenne est l’un des acteurs majeurs de l’échiquier mondial. Pour autant, un écart persiste entre l’UE et les grandes puissances, notamment sur le plan géopolitique. Le pouvoir économique de l’Union Européenne n’est pas à remettre en question. Il s’agit d’une zone économique stable et prospère, comptabilisant à elle seule près de 18% du PIB mondial en 2020 et 31,2% des échanges mondiaux en 2019. C’est donc un partenaire commercial de taille, partenaire privilégié de la Chine et des États-Unis ainsi que le premier partenaire et premier investisseur de la Russie, notamment grâce aux avantages de son marché unique et de son ouverture économique. Mais ces échanges sont-ils réellement équilibrés ? En effet, un décalage certain se dessine entre l’UE et les grandes puissances, et ce sous plusieurs angles.


L'Europe, à l'heure de l'influence chinoise


Cela se ressent notamment dans les échanges commerciaux qu’elle entretient avec la Chine. Les sept premiers mois de l’année 2022 virent les exportations chinoises en direction de l’UE augmenter de 20%, là où les exportations de l’UE vers la Chine diminuèrent de 7,5%. Cette asymétrie, les deux parties en ont bien conscience et elle fait de plus en plus tache lors de leurs échanges diplomatiques. Porte-parole des entreprises européennes, la Chambre de commerce européenne s’est permise de demander à la Chine en septembre 2022 à ce qu’elle opère à « des réformes complètes » de son marché, pour permettre une meilleure inclusion et prospérité des entreprises étrangères, et va jusqu’à fournir 967 recommandations à celle-ci. Entendre ces requêtes n’est en rien difficile pour la Chine, comme le soulignent les échanges que Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères chinois, a pu avoir avec les dirigeants de 10 pays européens à la 77ème édition de l’Assemblée générale des Nations Unies, tenue du 13 au 19 septembre à New York. De ses propres mots : « Ces rencontres et ces discussions démontrent pleinement l’importance que la Chine accorde au développement des relations sino-européennes ».


La question reste de savoir si la Chine suivra ces recommandations, le rapport de force entre la Chine et l’Union Européenne demeurant opaque. Si la Chambre de commerce souligne que la Chine risque gros à déplaire à ses investisseurs européens, étant donné la baisse de confiance mondiale en la santé de l’économie chinoise, cette dernière conserve des atouts non négligeables : ses nombreuses ressources et son poids géopolitique. Juste ce mois dernier, alors que l’Europe traverse une crise énergétique, la Chine est apparue en sauveuse, cédant du gaz naturel liquéfié (GNL) aux européens afin qu’ils puissent constituer leurs réserves. Sinopec à lui seul affirme avoir revendu 45 de ses cargaisons de GNL. Certains y voient une véritable « bouée de sauvetage », comme l’analyste Laura Page, dont l’Europe a cruellement besoin, interrogeant une nouvelle dépendance énergétique envers la Chine.


La guerre en Ukraine a également démontré un autre aspect de la puissance chinoise que l’Europe ne peut contrer : sa « capacité de refuser de faire », un des aspects de la puissance définie par Gérard Dorel. Là où les relations privilégiées sino-russes auraient pu permettre à la Chine d’influencer la Russie à cesser les offensives, la Chine maintient une position neutre, malgré les appels en mai 2022 à Tokyo des représentants de l’UE à la Chine de « défendre le système multilatéral ». Ce vendredi 30 septembre, alors qu’une résolution était posée au conseil de sécurité pour condamner l’annexion de la Russie de territoires est-ukrainiens, la Chine s’abstenait de voter. Si l’une des dimensions de la puissance présentées par Dorel est la « capacité de faire faire », il semble que l’UE en fasse défaut vis-à-vis de la Chine.


La grande fissure atlantique


Qu’en est-il alors de l’allié historique de l’UE, les États-Unis ? Si l’amitié et le lien économique entre les deux restent forts, un certain rift se dessine depuis la fin du mandat de Barack Obama. La balance commerciale s’avérant être en faveur de l’UE, l’administration de Trump avait lancé une série de taxes sur les importations, dont les fameux droits de douane additionnels sur l’acier et l’aluminium, dans le courant de l’année 2018. Dans l’affaire des subventions jugées illégales par l’OMC attribuées au groupe Airbus en 2019, le droit de mettre en place des mesures de rétorsion contre les importations européennes jusqu’à 7,496 milliards de dollars avait également été accordé aux États-Unis.


À cela s’ajoute la distance qui s’était instaurée suite à l’élection du candidat républicain Donald Trump en 2016, perçu par certains comme un signe que l’heure était venue pour l’Europe de s’imposer davantage sur la scène internationale. En novembre 2016, le titre du « leader du monde libre » n’était plus réservé au président des États-Unis mais à la chancelière allemande Angela Merkel, figure de proue de l’Europe. Idéologiquement, l’UE occupait alors une position de premier ordre, se figurant comme l’alternative libérale à une superpuissance dirigée par un président de tendance nationaliste, fortement opposé au multilatéralisme. Dans les faits, il fut cependant bien difficile à l’UE de faire le contrepoids de la politique étrangère des États-Unis, qu’il s’agisse de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne en décembre 2017 ou du retrait des troupes américaines du nord de la Syrie en octobre 2019, laissant les rebelles Kurdes seuls face à la Turquie. En effet, L’UE ne possède les moyens nécessaires ni pour amener les États-Unis à faire volte-face ni pour les remplacer concrètement là où ils se refusent à agir.


Après quatre années d’entente transatlantique difficile, l’Europe avait de grands espoirs vis-à-vis de l’administration du démocrate Joe Biden. Et pourtant, moins de deux ans après l’élection de ce dernier, le bilan est assez mitigé. Il a bien été décidé lors du G20 de Rome en octobre 2021 de lever les taxes sur l’acier et l’aluminium mais les États-Unis ne se sont pas entièrement détournés des mesures protectionnistes. Septembre 2022 a alors été animé par le débat autour de la nouvelle loi votée le 11 août par le Congrès pour un crédit d’impôts pour l’achat de véhicules électriques produits en Amérique du Nord, désavantageant considérablement les entreprises européennes. Du côté diplomatique, on retrouve d’autres déceptions. Le projet de sommet multilatéral pour tenter de résoudre les troubles en Afghanistan suite à la prise de pouvoir des Talibans, incluant les États-Unis, l’Europe, mais également la Chine, lancé lors du G20 de Rome resta sans appel et surtout sans le soutien des États-Unis.


Néanmoins, de tous les dossiers géopolitiques, celui qui a le plus marqué les relations entre les deux entités dans le courant de l’année 2022 fut bel et bien l’offensive de la Russie en Ukraine. Étant donné leur position au sein de l’OTAN, leurs valeurs fondamentales communes et leur passif respectif avec l’Ukraine et la Russie, les États-Unis et l’UE se sont immédiatement opposés à l’intervention russe aussitôt qu’elle fut entamée. L’UE versa près de 2,5 milliards d’euros à l’effort de guerre ukrainien en 2022 et les États-Unis annoncèrent quant à eux en août une aide de 2,98 milliards de dollars, tous deux formant un front commun. Aux portes du conflit, l’UE joue un rôle crucial pour acheminer et organiser l’aide vers l’Ukraine, fait qui n’échappe pas aux États-Unis, ce qui permit aux Américains et Européens de mener ces actions conjointes.


Par ailleurs, le sujet de la guerre en Ukraine nous amène à en interroger un autre. Quid des puissances autres que les États-Unis et la Chine ? Déjà apparue en filigrane, la Russie ne peut certes prétendre être l’égale des deux premières puissances mondiales mais son importance géopolitique demeure considérable, d’autant plus pour son voisin l’Union Européenne et aux vues des évènements de 2022. Sa relation avec l’UE est cependant plus personnelle, et par conséquent plus complexe. Du point de vue de la Russie, l’Union Européenne pose une menace à l’intégrité du pays, le rejetant par essence. L’UE va ainsi de pair avec l’OTAN qui, ayant accepté en son sein les pays baltes en 2004, est perçu comme une menace directe. L’UE est alors devenue une figure phare du discours politique russe. Au-delà des critiques de décadence morale et sociale des Occidentaux, on retrouve un reproche contre ce qui est jugé être une incapacité à s’écarter de l’influence de l’OTAN et des États-Unis. Et pourtant, malgré des visions de gouvernance opposées, une interdépendance, déplaisant aux deux parties, s’est tout de même développée.


Le lien économique la liant à l’UE tient principalement aux ressources russes de gaz, et il s’est démontré particulièrement difficile à défaire. Les importations de gaz naturel russe représentaient alors 45% des importations de gaz en 2021, pour une consommation de 400 milliards de mètres cubes de gaz. Depuis maintenant une décennie, la question de la dépendance énergétique envers la Russie se pose et la Russie n’hésite pas à l’utiliser comme argument face à ses voisins de l’Ouest. Cependant, la réalité économique de la Russie reste claire : elle ne peut se passer de l’UE. Il s’agit de son premier partenaire commercial, 61% des exportations russes sont à destination de l’Europe, ainsi que de son premier investisseur, soit 40% de ses IDE. La puissance militaire, avec ses 900 000 soldats actifs en 2021, était un autre facteur d’intimidation contre l’UE, notamment contre ses membres d’Europe de l’Est. Le seul semblant de force armée européenne se résume à l’Eurocorps et ses 1000 soldats, qui n’a jamais été conçue pour affronter une réelle armée. Les défaites subies par l’armée russe en Ukraine ont cependant rapidement fini de dissiper cette inquiétude.


Autant les pénuries en Europe que les conséquences des sanctions prises contre la Russie ont alors mis en lumière les différentes couches de cette codépendance ainsi que les réelles difficultés de chacun à s’en extirper.


Indéniablement, l’Union Européenne compte sur le plan international. Mais il semblerait que dû à sa nature même d’Union et non de Nation, certains obstacles se posent à ce qu’elle puisse rejoindre le rang des grandes puissances, plus particulièrement pour ce qui touche à la diplomatie. Là se trouve le réel défi de l’UE, celui d’une géopolitique commune, et ce depuis sa genèse. Créée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, ses objectifs n’étaient pas seulement économiques, mais aussi politiques, au nom de la paix et de l’union des peuples.


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