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  • Elvire Ergmann

Joe Biden : Promesses tenues ?


Joe Biden
Jon Tyson / Unsplash

La première image de Joe Biden en tant que 46ème président des États-Unis était symbolique - à dessein. À son arrivée à la Maison Blanche, le soir même de sa prestation de serment, il signait d’un même trait de plume dix-sept décrets présidentiels qui tous annulaient certaines des décisions parmi les plus emblématiques de son prédécesseur. Suppression du Muslim Ban, réintégration de l’OMS et des Accords de Paris… Le ton était donné : il s’agissait pour l’exécutif de tourner définitivement la page Trump, surtout après l’échec de la seconde tentative d’impeachment de l’ancien président. D’autant que les réformes d’envergure à entreprendre étaient légion : immigration, infrastructures, lutte contre les effets sanitaires et économiques de la pandémie… Joe Biden avait promis, au lendemain de son élection, une stratégie claire et efficace pour sa présidence - à l’opposé de l’image d’imprévisibilité voire de désorganisation véhiculée par son prédécesseur dans sa gestion de la pandémie. `Il était également attendu sur d’importants dossiers, familiers de la politique américaine : l’immigration clandestine à la frontière avec le Mexique, l’environnement, et la restauration de la relation de confiance avec ses alliés, notamment européens.

Alors qu’il arrive au terme de ses six mois au pouvoir, Joe Biden a tenu certaines de ses promesses de campagne. Mais l’opposition avec son prédécesseur est peut-être moins nette qu’il n'y paraît.


Parler peu, agir beaucoup


Le président a rapidement imposé un style sobre, très « présidentiel » - une qualification qu’on attribuait rarement à son prédécesseur enclin à une gesticulation médiatique permanente. Même les rideaux du Bureau Ovale ont repris le bleu démocrate après avoir été d’un doré tapageur pendant quatre ans. Sa communication est maitrisée, ses discours, préparés. Loin des tweets rageurs, des « FAKE NEWS MEDIA », les journalistes ont repris le chemin des Briefings quotidiens, désormais réglés par une équipe de communication maitrisant les codes de Washington sur le bout des doigts. Sur les réseaux sociaux, les plateaux de télévision, Biden cultive sa rareté. Il est le président du calme retrouvé après l’agitation - quand ce n’était pas la tempête - de l’ère Trump. Son discours d’investiture avait donné le ton : Joe Biden serait le président de l’apaisement.


Mais s’il parle peu, Joe Biden agit - beaucoup, et avec efficacité. Une semaine après son élection, il a déjà signé 34 décrets présidentiels, dont 12 revenaient sur les décisions de son prédécesseur. Le premier chantier auquel il s’est attelé à peine intronisé, a été la lutte contre la pandémie, tant sur le plan sanitaire qu’économique. C’est non seulement une promesse de campagne, mais également une nécessité vitale pour le pays qui en décembre n’avait toujours pas atteint les 20 millions de vaccinés comme le promettait Donald Trump, et n’avait encore lancé aucun plan de relance. Les premières semaines de son mandat ont été donc marquées par son combat pour faire accepter par la Chambre et le Sénat son plan de relance massif, de 1,9 Mds $ à destination des foyers américains les plus touchés par la pandémie. Au programme : des financements pour les États, pour la santé, l’éducation et le logement, une augmentation de l’assurance chômage, mais aussi une réduction du crédit d’impôt pour les enfants. Au niveau sanitaire, Biden met en place un plan de vaccination géant pour combattre la pandémie qui lui permet d’atteindre les 200 millions d’américains de plus de 16 ans vaccinés avant même la fin des cents premiers jours de son mandat.


La lutte contre les effets de la pandémie est également une occasion pour lui de faire passer des mesures chères aux Démocrates. L’Administration Biden renforce ainsi l’Affordable Care Act, mesure phare de la présidence Obama et que Donald Trump a cherché à affaiblir par tous les moyens. Dès janvier, le nouveau président suspend également sans frais les remboursements des étudiants pour leur dettes, l’un des problèmes majeurs des jeunes actifs aux États-Unis que la crise sanitaire a encore aggravé.


Sur l’immigration, autre sujet sensible sur lequel Donald Trump avait focalisé la vie politique américaine, Joe Biden a envoyé au Congrès dans les heures qui ont suivi sa prise de fonctions, un projet de loi prévoyant une régularisation par étapes des quelque 11 millions d’immigrants sans papiers vivant aux États-Unis. Le Congrès devra ainsi statuer sur ce qui est la réforme la plus ambitieuse depuis celle de Ronald Reagan qui avait octroyé un statut légal à quelque 3 millions de sans-papiers en 1986. Ainsi devraient être mieux reconnus les droits de travailleurs indispensables au bon fonctionnement de l’économie américaine et qui tout au long de la pandémie ont assuré des tâches essentielles.

Le projet traite aussi du cas particulier des « Dreamers », ces jeunes arrivés aux États-Unis avant l’âge de 16 ans, et qui étaient menacés d’expulsion depuis que Donald Trump avait abrogé le décret pris par Obama leur permettant de rester aux États-Unis, sans toutefois aller jusqu’à prononcer leur expulsion. Certes la Cour suprême avait bloqué l’application de la mesure en juin 2020 mais Joe Biden est allé plus loin en signant un décret rétablissant leur statut pour quatre ans, le temps que le Congrès définisse les règles leur permettant d’obtenir la citoyenneté américaine. Dans le même ordre d’idée, les bénéficiaires d’autorisations de séjour temporaire, Haïtiens ou Centro-Américains accueillis à titre humanitaire, devraient se voir restituer leurs permis de séjour annulés par Donald Trump, en attendant l’octroi d’un statut définitif.

Plus généralement, le projet de loi « US Citizenship Act of 2021 » accorderait aux sans-papiers présents aux États-Unis au 1er janvier 2021, un statut légal temporaire leur permettant dans un premier temps d’obtenir la « carte verte » dans les cinq ans -à la condition de satisfaire à certains critères- et dans un second, trois ans plus tard, de demander la nationalité américaine.


Enfin, en politique étrangère, Joe Biden exprime dans son premier discours de président sur le sujet un avis ferme sur ses relations avec la Russie: "J'ai clairement dit au président Poutine, d'une façon très différente de mon prédécesseur , que le temps où les États-Unis se soumettaient aux actes agressifs de la Russie (...) était révolu". Alors que Donald Trump a été accusé de "collusion" avec les autorités russes pour gagner l'élection, et de proximité avec Poutine au point que Washington bruissait des rumeurs de vidéos compromettantes possédé par le président russe sur Trump, Biden traite dans un interview télévisée le président russe de "tueur" - et déclenche ainsi sa première crise diplomatique. La récente recontre en Suisse, si elle a été qualifiée de "positifve et constructive", a également montré que des divergences demeurent. Selon les mots de Pascal Boniface: "Ils se sont mis d'accord sur leurs désaccords".



Un anti-Trump vraiment ?


Pour autant, toutes les orientations de Donald Trump n’ont pas été abandonnées, notamment en matière de politique étrangère. S’il y a bien une rupture avec son prédécesseur dans le style, on relève aussi des éléments de continuité. Ainsi face à la Chine, Joe Biden a aussi pris le parti d’une position dure. Dès le mois de mars, le sommet d’Alaska a vu les premières passes d’armes entre les deux premières puissances mondiales, alors que le président américain accusait la Chine de « menacer la stabilité de l’ordre mondial » et de « génocide » envers les Ouighours. Plus tard, le président démocrate a allongé la "liste noire" des entreprises chinoises n'étant plus autorisées à bénéficier d'investissements américains - dans la droite ligne des actions de Donald Trump, qui l'avait institué pour la première fois en novembre. Ces entreprises, parmi lesquelles Huawei, le géant pétrolier CNOOC, ou encore la China Railway Construction, sont accusées de soutenir les activités militaires de Pékin, notamment contre les Ouïghours et les dissidentsJoe Biden a également paru convaincre l’OTAN de la nécessité de se montrer plus ferme face au pouvoir grandissant de Pékin. La réunion des membres de l’OTAN, à la mi-juin, a qualifié la Chine de « défi systémique » et pour la première fois, l’alliance militaire s’est tournée contre la Chine plutôt que vers la Russie, signe du pouvoir croissant de Pékin.


Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan en est un autre : ce retrait correspond de fait à un engagement pris par Donald Trump en novembre 2020, consacrant une évolution par rapport à sa position initiale. Certes bien que lorsqu’il était candidat, Donald Trump avait déclaré, en octobre 2015, que « la guerre en Afghanistan était une erreur », il n’en n’avait pas moins affirmé au début de son mandat que les États-Unis resteront dans le pays car un retrait rapide aurait créé, selon lui, « un vide » profitant « aux terroristes ». Après une année 2018 marquée par une recrudescence des attentats pour la plupart émanant de l’EI, le dialogue avec les talibans n’a plus été tabou. En février 2020, les États-Unis et les talibans signent un accord qui prévoit le retrait des troupes américaines à la mi-2021. Des négociations de paix inter-afghanes débutent le 12 septembre, à Doha, alors que, longtemps le président afghan avait été tenu à l’écart des négociations. Après la déclaration d‘avril 2021 actant la décision de Joe Biden, prise contre l’avis des militaires, de retirer toutes les troupes américaines d’Afghanistan d’ici au vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, l’OTAN a annoncé qu’elle allait entamer le retrait des quelque 10 000 combattants encore engagés aux côtés des Américains, d’ici la fin du 1er semestre.


La « Biden mania » interntationales - et française


Sur le plan international, Biden se fait étalement le champion du multilatéralisme en réintégrant les grandes instances internationales boudées par son prédécesseur - des Accords de Paris sur le climat à l’OMS en passant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. Les États-Unis semblent reprendre leur place dans le concert des nations, qu’elles avaient quitté pendant quatre ans, et reprennent des relations apaisées avec leurs alliés, soulagés de ne plus avoir à faire face à l’imprévisible Donald Trump. Le démocrate a pris le contrepied de son prédécesseur face à ses alliés en s’affichant souriant au G7, alors qu’une célèbre photo de Donald Trump le présentait seul contre ses partenaires excédés. Biden a d’ailleurs conclu le sommet en lançant « America is back at the table » et les chefs d’État se sont montrés en phase sur l’action nécessaire pour le climat et le traitement des régimes « autocratiques ».


Certes les pays européens sortent rassurés du sommet de Garbis bay en Cornouailles de ne plus avoir à subir les attaques incessantes de son prédécesseur mais c’est en France que, fait rare pour un homme politique, Joe Biden fait l’unanimité.

Jean Luc Mélenchon salue ainsi dans un tweet récent « la décision de Joe Biden d'engager les USA en faveur de la levée des licences sur les vaccins contre le Covid19 », annonce dont il faut relativiser la portée dès lors que l’administration américaine a indiqué qu’elle devait être discutée au sein de l’OMC, ce qui n’en fait guère une mesure d’application immédiate… D’ailleurs, le 10 juin dernier elle a annoncé son intention d’acheter 500 millions de doses du vaccin Pfizer pour les donner aux pays pauvres à concurrence de 200 millions de doses en 2021 et 300 millions en 2022. Sans le dire explicitement Biden cherche à contrer la diplomatie du vaccin développée par la Chaine et à une moindre échelle par la Russie.

Il n’est pas jusqu’à Fabien Roussel, le candidat du parti communiste à la présidentielle qui joint sa voix au concert de louange en déclarant sur France 2 : « Regardez ce que fait Joe Biden aux États-Unis. C'est incroyable. Lui, il va investir 6 000 milliards d'euros pour relancer la consommation. Et tout cela, il va le financer en augmentant les impôts des plus riches. J'ai l'impression qu'il a pris sa carte au Parti communiste français !".


Joe Biden Mr 15%


Effectivement Joe Biden a surpris plus d’un observateur en se fixant comme objectif qu’il a fait partager par le G7 de créer un système fiscal mondial plus équitable. Afin de lever davantage de recettes fiscales pour soutenir l'investissement et de lutter contre l'évasion fiscale, les dirigeants du G7 ont entériné la création d'un impôt mondial minimal sur les sociétés d'au moins 15 % pays par pays, au moyen du cadre inclusif du G20 et de l'OCDE. L'objectif serait de parvenir à un accord lors de la réunion de juillet des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G20.

L’administration de Joe Biden a proposé d’instaurer un taux d’imposition mondial de 15% « au moins » pour les entreprises lors de discussions avec les négociateurs de 24 pays partenaires de l’OCDE. Le Trésor américain souligne néanmoins que ce taux « est un plancher » et que les discussions vont se poursuivre avec l’objectif d’être «ambitieux» et «d’augmenter ce taux».


Cela dit la route pourrait être encore longue même si, quand les États-Unis veulent quelque chose en économie ils ont les moyens de l’obtenir, car pour qu’un tel accord voie le jour, beaucoup de pays devront modifier leurs lois, ce qui promet une application complexe. Ce taux de 15% est en effet en deçà de ce que pratiquent nombre de pays occidentaux : la France envisage notamment de baisser de 28 à 25% sa taxe sur les bénéfices des entreprises d’ici 2022, tandis que les États-Unis veulent l’augmenter de 21 à 28%. Mais l’Irlande reste farouchement attachée à son raux de 12,5%.

Bref les «Bidenomics», clairs dans leur principe, traduisent un changement de mentalité dans la conception des relations économiques internationales dont il est trop tôt pour dire si il va entrer dans les faits.


Alors qu'il fête ses six mois à la présidence, Joe Biden, décrié comme "faible" par les trumpiens, s'est montré à la hauteur des défis qui l'attendaient à son entrée en fonction - et au premier plan duquel se retrouvait la lutte contre la pandémie. Cependant il n'a pas renié toutes les décisions de son prédecesseur, en adoptant une posture offensive face à la Chine et la Russie.








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