Xi Jinping ou la reprise en main des Princes Rouges
« Tuer les tigres et écraser les mouches. »
Cette phrase résume officiellement toute la politique du nouveau leader chinois Xi Jinping qui a fait de la lutte contre la corruption une des priorités de son mandat dans un pays miné à tous les niveaux par ce fléau. En témoigne la condamnation à la prison à perpétuité en Mai 2015 pour corruption, abus de pouvoir et divulgation de secrets d’Etat de Zhou Yongkang ancien membre du comité permanent du bureau politique du PCC (Parti Communiste Chinois) sous Hu Jintao (ancien président).
Cette condamnation est en elle-même surprenante de prime abord, car il était d’usage depuis la Révolution Culturelle de ne pas s’attaquer aux anciens membres du comité permanent du bureau politique.
Quels sont alors les principaux objectifs de cette nouvelle politique ? Nous allons voir que loin de représenter une stratégie qui vise à assainir les pratiques politiques en Chine, elle représente surtout une mise au pas de la société civile et à un accaparement du pouvoir par les Princes Rouges (les descendants des hauts dirigeants du Parti communiste chinois, qui accèdent aux pouvoirs politique, économique et militaire en République populaire de Chine).
Le système politique chinois
La Constitution chinoise dispose que la Chine est « un Etat socialiste de dictature socialiste populaire, dirigé par la classe ouvrière et basé sur l’alliance des ouvriers et des paysans »
En réalité il existe différents organes au sein de la République Populaire de Chine dont les pouvoirs varient grandement (cf schéma explicatif). Le comité permanent du bureau politique regroupe les sept membres les plus importants du bureau politique et ses membres dirigent de fait le Parti Communiste Chinois et par extension le pays tout entier. Ainsi l’actuel président (Xi Jinping) et le Premier Ministre (Li Keqiang) sont tous les deux membres de ce comité.
Les autres organes du pouvoir politique chinois comme l’Assemblée Nationale Populaire ou le Comité Central disposent de pouvoirs bien moins étendus et sont directement influencés par le Comité permanent du bureau politique.
Les principaux défis de la Chine actuelle
La Chine fait face à de nombreux défis qui peuvent mettre à moyen terme en difficultés le PCC et qui sont une réelle source de préoccupation pour le nouveau dirigeant :
- Un exode des personnes fortunées
Que ce soit pour des raisons environnementales, sociétales ou économiques, de plus en plus de Chinois s’installent à l’étranger, accouchent aux Etats-Unis pour permettre à leurs enfants d’obtenir la nationalité américaine ou envoient leurs enfants étudier à l’étranger ce qui risque de poser un problème dans le cas où le pays se trouverait en difficultés économiques, les élites étant prêtes à fuir à tout instant.
- La corruption
Comme nous l’avons dit plus haut, la Chine est un pays gangrené par la corruption à tous les niveaux tant au niveau du Parti que de l’ANL (Armée Nationale de Libération), corruption qui crée du mécontentement au sein de la population étant donné que les écarts de richesse sont de plus en plus prononcés dans le pays.
- L’économie
La récente chute de la bourse de Shanghai et les mesures d’urgence prises par le gouvernement pour essayer d’endiguer cette chute (notamment l’interdiction de vendre des actions pendant six semaines pour les personnes détenant plus de 5% des actions d’un titre) a souligné que l’économie chinoise ne se porte pas aussi bien que l’on pourrait le croire. Avec une croissance qui aujourd’hui atteint difficilement 7% malgré les programmes massifs d’investissements publics (qui ont abouti à la formation d’une bulle immobilière alors que dans le même temps 22.4% des logements urbains sont vacants) risque de mettre à mal « l’accord » implicite qui existe aujourd’hui entre le pouvoir et la société à savoir : absence de libertés politiques contre développement économique.
Le tour de vis de Xi Jinping
Il faut savoir que l’une des principales craintes des dirigeants chinois est que la Chine suive le même chemin que l’URSS à savoir une désintégration progressive et une disparition du Parti Communiste.
C’est pourquoi, pour faire face à ces nombreux défis, Xi Jinping a pris une série de mesures afin de renforcer le contrôle du Parti sur la société et s’assurer la fidélité des membres du Parti considérant que l’URSS s’est effondrée notamment à cause des politiques d’ouverture de la perestroïka et de la glasnost :
- Accroissement de la répression politique sur la société civile
Notamment au niveau de la presse, de la littérature et des minorités ethniques avec la multiplication des procès contre les opposants comme par exemple les condamnations du professeur Xu Zhiyong, cofondateur du Mouvement des nouveaux citoyens, à quatre ans de prison pour « provocation de troubles » ou encore celle du professeur ouighour Ilham Tohti condamné à la prison à perpétuité pour séparatisme.
On assiste aussi à une volonté de contrôle des ONG étrangères activant en Chine par le biais d’une nouvelle loi qui va être adoptée prochainement par l’Assemblée Nationale Populaire (s’inspirant de la loi adoptée récemment en Russie) et qui notamment forcera les ONG étrangères à être affilié à un organe populaire pour pouvoir activer en Chine.
Enfin au niveau des universités, une directive a été émise qui interdit à quiconque de mentionner neuf sujets liés de manière plus ou moins directs aux valeurs occidentales comme les droits civiques, la liberté d’expression, la corruption des membres du PCC et les erreurs faites par le PCC.
- Lutte contre la corruption
Comme nous l’avons vu dans l’introduction de cet article, le nouveau leader a fait de la lutte contre la corruption une des priorités de son mandat. Cependant en observant de plus près les différentes affaires de corruption qui ont été traitées par les tribunaux chinois, on voit qu’aucun des princes rouges (expression désignant les descendants des anciens hauts dirigeants communistes) n’a été visé par cette politique. Cela souligne donc qu’il s’agirait plus d’une purge sélective et d’une mise au pas des élites qui souhaiteraient s’opposer à la nouvelle ligne « dure » adoptée par Xi Jinping. Ce dernier considère en effet que seul un leader fort et incontesté peut permettre au PCC de se maintenir au pouvoir malgré les différents défis qui se présentent à lui aujourd’hui.
Nous pouvons ainsi conclure que Xi Jinping a abandonné la politique suivie par son prédécesseur Hu Jintao qui suivait une prise de décision collégiale avec une liberté relative au sein de la société civile afin d’adopter une vision soviétique du système politique avec un homme fort et un accroissement du contrôle et de la répression sur la société tout en conservant une vision ultra capitaliste de l’économie afin d’assurer la survie et la pérennité du PCC.