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  • Anne Rimbaud

La Corée du Sud, un pouvoir tout doux


BTS à la Maison-Blanche en 2022 / Erin Scott, The White House / flickr

Après le règne incontesté du sushi, est venu le sacre du bibimpap. Coup d’œil sur le pays du matin calme.

La Corée du Sud, une puissance militaire sous-estimée

Onzième puissance économique mondiale, la Corée du Sud a connu un développement sans précédent dans son ampleur et sa rapidité. Après le retrait forcé des troupes japonaises suite à leur défaite en 1945, la Corée retrouve enfin une souveraineté relative – les Etats Unis ne sont jamais bien loin. Décimée par la guerre de Corée (1950-1953), pauvre, rurale et sous développée, la Corée se transforme sous la dictature de Park Chung Hee.

Face à la menace que représente la Corée du Nord – les deux pays sont officiellement en guerre depuis 1953, seul un armistice a signé la fin des combats – la Corée du Sud consacre aujourd’hui 2,6% de son PNB au budget de la défense, et se place au 10ème rang mondial. Le Thaad, un programme de défense de missiles antibalistiques, implanté par les Etats Unis au Sud ou la DMZ (demilitarized zone), un no man’s land qui sépare les deux Corées et gardée par plus d’un million de soldats, sont des symboles forts de la militarisation de la péninsule. Les hommes ont également l’obligation d’effectuer 2 ans de service militaire : avec les réservistes, la Corée du Sud possède un potentiel de 5 millions de soldats (le contingent français en compte 300 000).

Pourtant, ces faits demeurent peu connus aux yeux du grand public, notamment en raison du caractère régional de ce pouvoir : alors que les Etats-Unis ou la France lancent régulièrement des opérations en Afrique ou au Moyen-Orient et bénéficient d’une large couverture médiatique, les manœuvres sud-coréennes demeurent plus confidentielles aux yeux des Occidentaux – contrairement à celles de son voisin du Nord, scrutées de toutes parts.

Mais la Corée du Sud fait de plus en plus entendre sa voix, qui plus est, par des moyens généralement réservés aux plus grandes puissances.

Le soft power coréen, une influence aux multiples facettes

  • Cinéma

Bong Joon Ho
Bong Joon Ho / Dick Thomas Johnson / flickr

Longtemps réservé aux cinéphiles, le cinéma coréen bénéficie d’une reconnaissance croissante dans l’industrie, le sacre de Bong Joon-Ho en est le parfait exemple. Cannes glorifie les films d’auteurs, les Oscars font les blockbusters ; Parasite aura eu les deux.

Couronné de quatre statuettes, dont celles du meilleur film, Parasite est le premier film non anglophone à remporter la récompense depuis 92 ans.

Sans s’appesantir sur ce cas particulier, il faut souligner son effet puissant en termes de visibilité. En mettant ainsi à l’honneur le réalisateur sud-coréen, on en vient généralement à s’intéresser aux autres films qu’il a produit et à ceux de ses compatriotes. Un tel succès devrait également encourager l’investissement dans le secteur, et être vecteur d’un cercle vertueux.

La mise en place de quotas sous la dictature a permis de conserver une industrie nationale. L’ouverture à la concurrence et l’abolition de la censure au début des années 90 ont ensuite favorisé la montée en gamme du cinéma coréen pour faire face à la concurrence des productions étrangères.

Enfin, bien que la Corée soit l’un des rares pays où la production domestique soit supérieure à celle des films étrangers en termes de parts de marché, elle demeure un marché restreint. L’exportation de films coréens pour un public plus large que les fans de Park Chan-wok ou Kim Ki-Duk devrait populariser davantage ce cinéma.

  • Musique

Impossible de parler de soft power coréen sans évoquer leur musique si caractéristique. Plus que la gloire éphémère de Psy et de son mémorable Gangnam Style, l’emblématique boys band BTS a éclaté le plafond de verre des artistes sud-coréens, qui n’étaient alors connus qu’en Asie, et en a fait des stars mondialement connues, démocratisant ainsi la K- pop.

The K-Pop band BTS joins White House Press Secretary Karine Jean-Pierre on Tuesday, May 31, 2022, in the James S. Brady Press Briefing Room at the White House.
BTS à la Maison-Blanche en 2022 / Erin Scott, The White House / flickr

Déjà très populaires sur le territoire national et à ses frontières, BTS a su étendre sa fan base, les ARMY, à l’Europe, l’Amérique latine et même au marché américain, un défi pourtant compliqué compte tenu de son caractère prolifique et un peu chauvin.

Trois albums n°1 des US Charts et du Billboard 200 en moins d’un an, sujet deux fois plus discuté que D. Trump sur Twitter en 2017, BTS enflamme les réseaux sociaux et fait parler.

L’engouement est tel que le ministre de la culture s’est exprimé sur leur service militaire :

« Dans le cas de BTS, j’aurais personnellement souhaité pouvoir les exempter, mais l’administration militaire et le ministère de la défense nationale souhaitent réduire les possibilités d’exemption ».

(Park Yang-woo, ministre de la culture - novembre 2019)

Tout l’enjeu réside dans le fait de faire bénéficier de cette popularité à leurs compatriotes et de ne pas rester l’exception. En effet, les chorées millimétrées et le style vestimentaire caractéristique n’est pas l’apanage de BTS ; et bien d’autres pourraient bénéficier de cet intérêt croissant outre atlantique. Les collaborations avec des artistes américains sont un premier pas vers la reconnaissance internationale (BTS en featuring avec Steve Aoki, par exemple, a marqué le début d’une popularité mondiale).

  • Dramas


Les K-dramas sont à la Corée du Sud ce que les mangas sont au Japon, une arme puissante de diffusion de la culture locale.

Peu connus du public occidental (mais très populaires au Vietnam, Taïlande, Chine et en Asie depuis les années 90), ils gagnent progressivement en popularité, notamment depuis leur introduction massive sur Netflix il y a 2 ans.

Alors qu’il fallait avant avoir un intérêt particulier pour le pays ou aller sur des sites spécialisés dans les séries asiatiques, la plateforme de streaming les a rendus accessibles à plusieurs dizaines de millions de personnes. Traduit en 32 langues, le carton de Descendants of the sun à l’étranger illustre l’ampleur du phénomène.

Les K-dramas promeuvent un style de vie coréen et les valeurs fortes du pays : la famille, l’importance de l’effort ou encore le respect des anciens. Habitués des happy endings, les K-dramas montrent la conciliation entre traditions et modernisme entre lesquels le pays oscille.

  • K beauty

Personne n’a pu entrer dans un magasin Sephora sans remarquer les nouveaux stands dédiés aux produits coréens à la mode et kawaï (un courant de culture du « mignon »), à l’instar des fameux masques en tissu à poser sur le visage. Alors que la tendance – durable, il me semble – est au naturel, les cosmétiques coréens sont à la pointe et bénéficient d’une solide réputation. Les Coréennes sont en effet connues pour leur culte de la beauté (d’où un taux important de chirurgies esthétiques) et le marketing des distributeurs occidentaux en joue.

De puissantes synergies à l’oeuvre

Economiquement, la Corée du Sud s’appuie sur de puissants conglomérats, les chaebols, détenus par des entreprises familiales, et popularisés par les dramas. Les géants de l’industrie du divertissement (les Big 3 : SM, JYP et YG) s’inscrivent dans cette même logique et dominent largement le marché.

En pratique, il est très fréquent qu’une idole – nom communément donné aux artistes coréens – faisant partie d’un groupe de k-pop joue dans un drama par la suite et en accroisse les audiences. De plus, les sponsors de marques de cosmétiques, textile, voire même de voitures, bénéficient d’une forte exposition grâce à des contrats avec les agences.

La nature particulière des artistes coréens, dotés de multiples talents et non pas limités à une seule discipline, combinée à la mainmise des agences sur tous les sous-secteurs de l’industrie, a pour conséquence que les artistes en question bénéficient d’une surexposition médiatique. Cela favorise en pratique un effet de « cross selling », autrement dit des ventes croisées, conséquence de l’effet d’entraînement, ce qui bénéfice à plusieurs secteurs d’activité.

Ce fonctionnement permet non seulement des effets d’entraînement positifs entre des industries variées mais ce pouvoir d’influence grandit au-delà des frontières, et véhicule l’image d’un pays jeune et dynamique. Ainsi, depuis 2008, le tourisme est en constante augmentation, passant de 6,8 millions en 2008 à 13,2 millions en 2015. Longtemps ignorée des voyageurs, qui lui préféraient le Japon ou la Chine, la Corée du Sud attise de plus en plus la curiosité.

Enfin, la crise actuelle du Coronavirus a révélé les forces et les faiblesses des différents pays touchés : alors que la majorité des pays européens ont révélé des failles profondes (manque de masques, de respirateurs, confinement strict etc…), les pays d’Asie de l’Est, notamment la Corée du Sud et Taïwan, se sont érigés en modèles pour les pays occidentaux. Fournir à toute la population des masques, en réglementer le prix pour éviter les abus, mener des campagnes de tests massives, prendre la température des étudiants à l’entrée des universités etc. Autant de mesures qui, combinées au civisme de la population, ont permis de ne pas confiner la population, d’endiguer l’épidémie rapidement – en dépit de leur proximité géographique avec la Chine et de leur contamination précoce – et d’éviter, en grande partie, le marasme économique qui attend l’Occident. Leur gestion quasi-exemplaire de la crise devrait, à mon sens, participer à accroître l’intérêt croissant pour la Corée.

Sources :

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