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  • Léa Delagoutte

Tensions et ballon rond


La Coupe du monde de football commence dans moins de deux mois, et déjà les tensions internationales s’invitent dans les tribunes. Début mars, après l’empoisonnement d’un ancien agent double russe sur le sol britannique, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, allait jusqu’à évoquer la possible non-participation de l’Angleterre à l’un des plus grands évènements sportifs au monde. Theresa May a, d’ailleurs, elle-même confirmé le boycott diplomatique et royal de la Coupe du monde de football.

La première ministre britannique a annoncé que la famille royale n’assisterait pas à la prochaine Coupe du monde en Russie.

Mais le scandale diplomatique russo-britannique n’est pas l’unique sujet de discorde qui risque de venir troubler les festivités. Les récentes tensions entre la Russie de Vladimir Poutine et le bloc occidental au sujet de la Syrie pourraient également ternir l’image d’un évènement majeur du sport mondial.

Une brève histoire de la diplomatie et du sport

Ces récents évènements nous rappellent à quel point sport et diplomatie peuvent se retrouver liés par la force d’un contexte bien particulier. Dans l’histoire du football, les boycotts ont notamment été monnaies courantes : 1950, la RFA est la grande absente de la Coupe du monde organisée par sa voisine communiste la RDA. Peu de chances, aujourd’hui, de voir une des équipes ne pas se présenter au tournoi, mais les relations diplomatiques tendues rendront sûrement l’ambiance dans les gradins électrique lors de certains matchs.

Au-delà la Coupe du monde, c’est surtout au moment des Jeux Olympiques que la géopolitique rentre en compte. Pour preuve, les boycotts sont nombreux et loin d’être insignifiants : les Jeux de 1956 sont ainsi perturbés par la crise de Suez, ceux de 1980 à Moscou sont même ignorés par les Etats Unis de Jimmy Carter en protestation contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Plusieurs éditions ont connu un boycott plus ou moins important lié à des tensions diplomatiques. Mais le boycott n’est pas la seule manifestation de ces tensions, en témoigne la tragédie des Jeux Olympiques de Munich en 1972, durant lesquels un commando palestinien du groupe Septembre noir prend en otage des membres de l’équipe olympique israélienne et tue onze athlètes. Force est de constater, donc, que les évènements sportifs ne font pas toujours office de trêve, comme cela a pu être le cas lors des JO d’hiver de Pyeongchang, en Corée du Sud il y a quelques mois.

L’ouvrage Sport et Relations internationales de James Riordan et Pierre Arnaud illustre lui aussi à quel point le sport représente à la fois un enjeu de prestige national, un instrument de propagande et un outil diplomatique pour les Etats. C’est à partir du XXème siècle que le sport s’internationalise et que les compétitions deviennent un lieu de rencontre entre délégations en plus ou moins bons termes. Les JO de Berlin en 1936 sont, à ce titre, un exemple d’usage du sport à des fins de propagande et de prestige, l’accueil réservé aux délégations ayant pour seul but de démontrer la puissance de l’Allemagne nazie. Les déconvenues des athlètes allemands, notamment face au sprinteur afro-américain Jesse Owens, auront eu toutefois le mérite de contrecarrer la propagande hitlérienne.

La Coupe du monde en Russie aura lieu du 14 juin au 15 juillet prochain.

Pour la Russie, il va de soi que cette Coupe du Monde représente un grand enjeu d’image sur la scène internationale, et notamment auprès des opinions publiques occidentales.

Bien entendu, la diplomatie économique n’est pas en reste, comme le suggère l’apparition du Qatar sur la scène footballistique. L’attribution de la Coupe du Monde 2022 au petit pays pétrolier a déchainé les passions et les accusations de corruption se sont multipliées. Depuis quelques années, le football permet au Qatar de s’assurer une place sur la scène publique des pays occidentaux en achetant des clubs renommés tel que le Paris Saint Germain ou en investissant dans le sponsoring à travers des compagnies d’État : Qatar Airways au Barça ou à l’AS Roma, etc.

Des sources de tensions multiples

À bien des égards, la position diplomatique particulière du pays hôte n’est pas la seule source d’animosité qui s’invitera à la prochaine Coupe du monde. En effet, les poules sont pleines de matchs à haute symbolique diplomatique, à l’image du match d’ouverture qui opposera la Russie à l’Arabie Saoudite, deux supers puissances pétrolières qui se rencontrent sur le terrain dans un contexte de réchauffement des relations. L’Espagne, quant à elle, affrontera le Maroc alors que la crise migratoire et les revendications territoriales du Maroc sur Melilla et Ceuta divisent.

De violents affrontements entre supporteurs russes et anglais avaient eu lieu à Marseille en marge de l’Euro 2016.

Les affrontements sur le terrain ne sont pourtant pas les plus redoutés par les instances internationales. Des mesures de précaution concernant les supporteurs ont déjà été prises : 400 hooligans russes, qui avaient fait parler d’eux lors d’évènements violents à Marseille au moment de l’Euro 2016, sont d’ores et déjà interdits de stade. En dépit d’une sécurité renforcée dans les stades, les affrontements de rue auront du mal à être empêchés et risquent d’entraîner des tensions sur le long terme, comme ce fut le cas après les affrontements entre supporteurs anglais et tunisiens à Marseille en 1998.

La violence des supporteurs est donc à craindre dans un climat de tension généralisée, mais il ne fait pas de doute que la Russie de Poutine ne se montrera pas indulgente avec les fauteurs de trouble, comme en témoigne la mise en place d’une « police touristique » annoncée par le ministère de l’Intérieur.

Un vecteur d’apaisement ?

Rien ne sert d’être pessimiste, le sport peut également avoir un impact positif sur les relations internationales. Des gestes symboliques peuvent être entrepris comme aux Jeux Olympiques de Pyeongchang. On peut donc espérer qu’il en soit de même avec la prochaine Coupe du Monde. Les plus optimistes attendent qu’elle aide la Russie et le bloc occidental à rétablir un dialogue plus serein.

Le rôle du sport dans la géopolitique est à double tranchant, et seul l’avenir nous dira si 2018 sera une année d’apaisement diplomatique par le sport ou non. La volonté des puristes de séparer sport et politique est bien utopique si l’on s’attarde quelque peu sur l’histoire. Pour le meilleur comme pour le pire.

Sources :

Arnaud P. et Riordan J., Sport et relations internationales (1900-1941) : les démocraties face au fascisme et au nazisme, 1998.

https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Angleterre-boycott-diplomatique-et-royal-de-la-coupe-du-monde-en-russie/884156

http://www.lemonde.fr/mondial-2018/article/2017/12/02/maroc-espagne-russie-arabie-saoudite-quand-la-geopolitique-s-invite-a-la-coupe-du-monde_5223758_5193650.html

https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/euro/mondial-2018-400-hooligans-russes-interdits-de-stade_2494391.html

https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Coupe-du-monde-2018-la-russie-cree-une-police-touristique-pour-rassurer-les-supporters/889207

Sources images :

https://sport.francetvinfo.fr/football/londres-annonce-un-boycott-diplomatique-et-royal-de-la-coupe-du-monde-de-football-en

https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/mondial-2018-un-depute-russe-veut-institutionnaliser-les-bagarres-de-hooligans_1886045.html

https://foot221.com/coupe-du-monde-de-football-2018-les-32-qualifies-sont-connus/

#Sport #Russie #Géopolitique

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