- Ori Levi Dit Bochi
Mamma mia, comment va se former le nouveau gouvernement italien ?
Le 4 mars dernier, les élections législatives italiennes ont débouché sur des résultats qui ont bouleversé le paysage politique italien et plongé l’Union Européenne dans l’incertitude. Dressons une rapide esquisse de la situation politique actuelle en Italie : si les partis qui ont dominé le pays ces dernières années ont été durement désapprouvés par le peuple, les partis extrémistes et eurosceptiques font, eux, leurs trous. Malgré ce changement de main du pouvoir italien, une question reste en suspens : de quels partis sera composé le prochain gouvernement ? En effet, aucune majorité absolue ne s’est dégagée pour gouverner … Les prochaines semaines s’annoncent chargées en négociations ! Petit tour d’horizon du marasme politique qui s’annonce.
L’essoufflement des partis italiens classiques

Uixerunt le Parti Démocrate. Le Parti Démocrate (PD) a vécu. Mené par Matteo Renzi, l’ancien président du Conseil des ministres, le Parti Démocrate italien a connu une véritable déroute : avec 18,7% des suffrages exprimés, le parti a connu son plus mauvais score depuis sa création en 2007. Cette défaite a entériné le départ de Matteo Renzi, effectif depuis le lundi 12 mars. Cependant, ce rejet des partis dits « classiques » de la politique italienne ne touche pas seulement la gauche : le mythique parti de Silvio Berlusconi – inéligible pour fraude fiscale – Forza Italia, considéré comme le parti de la droite libérale italienne, se retrouve lui aussi en retrait. Avec un score s’élevant seulement à 14%, le parti de l’ancien chef d’Etat italien se retrouve qu’en quatrième position, derrière le parti d’extrême droite la Ligue – qui se place, donc, en troisième position avec 17,4% des votes.
Ainsi, les deux partis classiques ne rassemblent que 33% des votes. Qui sont les grands gagnants de ces élections législatives ? Quels dirigeants auront le plus de poids pour négocier la formation du nouveau gouvernement ?
L'émergence de nouveaux partis
Fini le temps de la droite et de la gauche traditionnelles qui gouvernaient sans partage sur l’Italie : à l’instar de nombreux pays européens ces dernières années tels que l’Espagne ou encore la France, le peuple italien a voté pour des idées différentes à celles du bipartisme classique. Ce renouveau se traduit sur la scène italienne par l’essor de deux partis : la Lega (la Ligue en français) anciennement appelée la Ligue du Nord et Movimento 5 Stelle ou le Mouvement 5 étoiles. Qui sont-ils ?

Luigi Di Maio
La Lega fut créée en 1989. A l’origine appelé La Ligue du Nord, ce parti régionaliste militait pour l’indépendance de la Padanie. Cependant la Lega, en se rebaptisant ainsi, voit désormais plus grand et se présente comme un parti nationaliste – il est souvent considéré comme populiste d’extrême-droite. Sous l’impulsion de Matteo Salvini, son secrétaire général, la Lega a réussi à rassembler une grande partie de l’électorat de droite : du centre à l’extrême. Ainsi, ce parti souvent présenté comme eurosceptique réalise un score historique avec près de 18% des voix, ce qui en fait le premier parti de droite en Italie.
Le Mouvement 5 étoiles, lui, ne se définit même pas comme un parti : ni de droite, ni de gauche, il se présente comme une organisation ayant pour but de stimuler la démocratie directe. Pour la petite histoire, les cinq étoiles représentent les enjeux liés à l’eau, l’environnement, le transport, le développement et l’énergie. Fondé en 2009 par l’humoriste et acteur italien Beppe Grillo, qui l’a présidé jusqu’à la fin de l’année 2017, 5 Stelle a réalisé une véritable percée en devenant le premier parti italien avec 33% des suffrages exprimés. Mais alors, quelle est l’idéologie et quelles sont les grandes idées de ce mouvement à présent mené par le jeune napolitain Luigi Di Maio, ancien membre du mouvement social italien néofasciste ? Depuis sa fondation en 2009 par Beppe Grillo, le M5S est attaché à la question écologique, souhaitant diminuer le gaspillage, développer des énergies propres et créer des emplois verts ; d’un point de vue économique, son programme est d’inspiration libérale. Quant à son lien avec l’Union Européenne, la question est plus ambiguë. À sa création, ce mouvement était réputé comme eurosceptique, en témoignent de nombreux référendums proposés en interne. Cependant, avec l’arrivée de Luigi Di Maio, un revirement a été opéré, et la ligne est plus floue, le nouveau leader du mouvement déclarant même au journal Le Monde en 2017, « Le Mouvement 5 étoiles est pro-européen ».

Matteo Salvini
Finalement, ces deux partis se sont imposés comme nouvelles forces politiques majeures en Italie avec en tête le Mouvement 5 étoiles, organisation antiparti, qui montre bien le rejet italien de la classe politique classique. Cependant, malgré ce score de 33%, aucune majorité absolue n’apparaît : la création d’un nouveau gouvernement est donc dans les mains de l’actuel président italien, Sergio Mattarella.
Le jeu des alliances est en marche
Aucun parti n’ayant obtenu de majorité absolue aux deux chambres que sont la Chambre des députés et le Sénat, personne n’est aujourd’hui en mesure de diriger seul l’Italie. Ainsi, le pouvoir de décision est dans les mains du Président Mattarella : c’est à lui que revient la charge de désigner le prochain président du Conseil des ministres qui devra former le nouveau gouvernement.
Ainsi, le Mouvement 5 étoiles, s’il veut diriger le pays va devoir se plier au jeu des coalitions - qu’il a tant critiqué – comme l’a affirmé Di Maio le jour des résultats : il s’est dit prêt à discuter avec les autres formations politiques sur tous les thèmes de son programme comme l’emploi et le développement ou encore la pauvreté et l’immigration. Ainsi serait-il possible de voir une alliance se former entre les deux parties anticonformistes que sont La Lega et le Mouvement 5 étoiles ? Il y a bien entendu une convergence quant à la question de l’immigration (le blocage de l’immigration clandestine) cependant, le désaccord concernant la place de l’Italie en Europe est source de clivage. En effet, le mouvement de Luigi Di Maio est en plein recentrage européen tandis que La Lega continue de s’affirmer comme partie eurosceptique. En outre, une coalition réduirait la Lega à une simple force d’appoint, ce qui n’est absolument pas le souhait de son dirigeant.

Qu’en est-il alors des partis historiques ? Pour le Parti démocrate, la réaction à chaud était sans équivoque : malgré 19% des suffrages exprimés, ils ne tenteront pas de former un gouvernement avec les forces antisystèmes ; le P.D. semble alors se placer dans l’opposition. Une position susceptible de changer suite au départ de son leader, Matteo Renzi. Concernant, Forza Italia, Silvio Berlusconi n’a pas encore annoncé clairement s’il se rangerait ou non derrière La Liga malgré sa promesse en début de campagne.
Alors comment se décantera cette situation plus floue que jamais en Italie ? Les pourparlers officiels avec le président de la République et les différents partis ne débuteront pas avant le début du mois d’avril après l’ouverture de la législature le 23 mars puis la désignation des présidents et vice-présidents des Chambres. D’ici là, les négociations auront déjà commencé entre les différents partis autour des enjeux essentiels que sont la question de l’immigration et de la place de l’Italie en Europe.
L’Europe et l’Italie n’ont plus qu’à attendre le dénouement de ces péripéties. Espérons qu’il arrive vite : avec la non-qualification de la Squadra Azzura à la Coupe du Monde, ça commence à faire beaucoup d’incertitude !
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Élections_générales_italiennes_de_2018
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_5_étoiles
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligue_du_Nord
Sources images :
http://www.rfi.fr/europe/20180305-italie-election-legislative-cinq-etoiles-maio-salvini
http://www.blancheurope.com/2018/01/21/les-elections-legislatives-en-italie-enjeux-et-perspectives/