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  • Antoine Petris

Catalogne : l'impasse ?


Drapeaux catalans
Transly Translation Agency / Unsplash

L’Espagne serait-elle au bord du gouffre ? Le pays vit sa crise la plus grave depuis le coup d’Etat raté du 23 février 1981 contre la toute jeune démocratie espagnole (la constitution ne date en effet que de 1978). En effet, la région de Catalogne menace de faire sécession depuis maintenant un mois et un véritable bras de fer s’est installé entre les indépendantistes au pouvoir à Barcelone et le pouvoir central à Madrid.

L’Espagne est un pays où les régions (appelées communautés autonomes) détiennent d’importants pouvoirs octroyés par le gouvernement central depuis le retour de la démocratie au nom des identités régionales mais aussi par calcul politique. C’est particulièrement le cas en Catalogne où le gouvernement régional gère l’éducation mais également la sécurité, avec l’existence d’une police régional (« Los Mossos d’Esquadra »).

Les débuts de la crispation

En 2015, les indépendantistes réunis en coalition (sous le nom de « Ensemble pour le oui ») remportent les élections (47% des votes). Ils avaient promis au cours de la campagne l’organisation d’un référendum d’autodétermination qui devait permettre l’indépendance de la région. Le Parlement régional approuve donc la loi du référendum le 6 septembre, au cours d’une session rocambolesque que tous les partis nationaux ont considéré comme une atteinte à la démocratie, et fixe la date du scrutin au 1er octobre. Cette loi est alors suspendue par le Tribunal constitutionnel espagnol, la rendant donc caduque aux yeux de la loi espagnole.

Cependant, le gouvernement régional refuse d’arrêter le processus, malgré les mises en garde du gouvernement de Mariano Rajoy (Parti Populaire). Commence alors un jeu du chat et de la souris. La Guardia Civil perquisitionne la vice-présidence du gouvernement régional afin de démanteler l’organisation du référendum (elle récupère près de 10 millions de bulletins de vote) et arrête même les collaborateurs du vice-président catalan. De son côté, le gouvernement de la Catalogne, au nom de la démocratie et du droit d’expression, encourage les citoyens à favoriser l’organisation du référendum. C’est ainsi que des urnes seront cachées et que des bulletins de vote seront imprimés par des particuliers (notamment en France).

Le 1er octobre, le jour du référendum, c’est la plus grande confusion. La police nationale et la Guardia Civil interviennent pour faire fermer des bureaux de vote. Le bureau du président régional Carles Puigdemont est ainsi fermé, l’obligeant à aller voter ailleurs. Dans les rues, la police charge des manifestants souhaitant voter et on compte plusieurs centaines de blessés. Malgré cette confusion, la majorité des bureaux de vote sont ouverts et plus de 2 millions de personnes auraient voté – selon le gouvernement régional – avec parfois des irrégularités flagrantes (pas de listes électorales, possibilité de voter plusieurs fois…). Le soir même, Mariano Rajoy assure qu’il n’y a pas eu de référendum.

Le 4 octobre, la situation prend un nouveau tournant avec le message du Roi Felipe VI, chef de l’Etat, ce qui est exceptionnel. Il critique durement le gouvernement catalan, l’accusant de déloyauté envers l’Etat et d’avoir mis à mal les principes démocratiques.

Le point de non-retour : l’utilisation de l’article 155 de la Constitution espagnole

Le 10 octobre, devant le parlement régional, Carles Puigdemont présente les résultats du référendum et annonce que la Catalogne « a gagné le droit d’être un Etat indépendant » mais demande au Parlement de suspendre la déclaration d’indépendance pour ouvrir des négociations avec Madrid.

Face à cette déclaration, le gouvernement répond avec « l’arme nucléaire » de la Constitution : l’article 155. Cet article, jamais utilisé depuis l’approbation de la Constitution en 1978, permet au gouvernement central d’intervenir dans les affaires d’une communauté autonome si celle-ci ne respecte pas ses obligations dictées par la loi et donc de suspendre de facto son autonomie. Madrid impose alors deux ultimatums à la Generalitat. Le président régional, Carles Puigdemont, a donc une semaine pour dire s’il a déclaré l’indépendance et dix jours pour revenir à l’ordre constitutionnel. Face aux réponses évasives du président catalan, Mariano Rajoy annonce les mesures que le Sénat doit approuver dans le cadre de l’article 155. Il demande ainsi à la Chambre haute l’autorisation de la destitution de Carles Puigdemont et de tout le gouvernent régional, la restriction des pouvoirs du parlement régional, la mise sous tutelle de l’administration et la prise de contrôle direct de la police et de la télévision catalane. Il a pour cela le soutien du parti socialiste (PSOE) et du parti centriste Ciudadanos.

Les indépendantistes considèrent ces mesures comme un coup d’état et dénonce « l’oppression » de la région par Madrid. Ils dénoncent également l’incarcération des deux leaders des plus grandes associations indépendantistes, Jordi Cuixart et Jordi Sánchez pour leur rôle supposé dans des troubles lors des perquisitions de la Guardia Civil. Le chef de la police régional a, quant à lui, été mis en examen pour sédition (il est soupçonné de ne pas avoir appliqué les ordres du juge qui lui demandait de fermer les bureaux de vote le jour du référendum).

Les choses s’accélèrent les 26 et 27 octobre. Le 26, après plusieurs réunions et de nombreuses incertitudes, le président régional annonce qu’il écarte la possibilité de convoquer des élections régionales (et ainsi empêcher l’application de l’article 155). Le lendemain, le parlement catalan déclare l’indépendance dans un hémicycle à moitié vide (les députés des partis « constitutionalistes » ayant refusé d’être présents pendant le vote). Moins d’une heure plus tard, le Sénat autorise le gouvernement à prendre les mesures présentées. Le soir même, Mariano Rajoy annonce qu’il destitue Carles Puigdemont et tout le gouvernement régional. Il annonce également le remplacement du chef de la police régionale, dissout le parlement catalan et annonce la convocation d’élections régionales pour le 21 décembre.

Le gouvernement central prend dès lors le contrôle de l’administration catalane sans incident particulier. Les partis indépendantises décident de participer aux élections du 21 décembre, ce qui laisse espérer une possible solution à la situation actuelle. Mais Carles Puigdemont et 5 autres ministres destitués décident de partir pour Bruxelles. L’ex-président catalan y dénonce l’agressivité du gouvernement espagnol, annonce qu’il acceptera le résultat des élections mais qu’il ne rentrera en Espagne seulement lorsqu’il aura des garanties sur un traitement équitable.

Quelle sortie de crise ?

La situation est donc extrêmement tendue. La tenue d’élection semble une voie de sortie mais elle ne sera pas suffisante. La division entre les Catalans s’est aggravée et la tension avec le reste des Espagnols ne fait que monter. Plus de 1000 entreprises ont décidé de délocaliser leur siège en dehors de la Catalogne et les touristes (25% d’entre eux choisissent la Catalogne), une des principales ressources de la région, ont fui. La solution doit donc passer par un dialogue politique sur des bases que les deux parties trouvent acceptables. L’annonce d’un accord PP-PSOE pour une réforme de la constitution semble être un bon commencement. Mais l’arrestation de la moitié du gouvernement destitué et sa mise en prison pour des délits de rébellion et la « fuite » de Puigdemont à Bruxelles où il continue le combat pour l’indépendance rendent extrêmement compliqué une solution politique. Quoi qu’il en soit, l’autonomie de la région sera entièrement restaurée après les élections du 21 décembre et le résultat des urnes déclenchera la nouvelle phase de la plus grave crise politique espagnole depuis près de 40 ans.

 

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