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  • François-Xavier Pipart

Le Royaume-Uni dos au mur à l'heure du Brexit


Alexander Andrews / Unsplash

Le Royaume-Uni vit une période particulièrement intense et difficile. Depuis le début de l’année 2017, le pays est en proie à des menaces et à des défis qui s’enchaînent, et la grande difficulté pour le pays réside dans leur gestion simultanée. L’exaspération du peuple face aux attentats et à l’instabilité politique devient de plus en plus évidente. Le poids de la responsabilité s’alourdit sur les épaules de la première ministre, Theresa May, qui se doit de résoudre le plus rapidement possible ces problématiques d’ordre politiques et sociétales si elle veut pouvoir se concentrer sur les négociations du Brexit.

Mais comment négocier le divorce dans un tel climat de tensions et d’instabilité politique ? Le gouvernement a-t-il bien répondu à la menace terroriste qui pèse sur le Royaume-Uni depuis 3 mois ? Retour sur 2 mois de haute tension qui annoncent un futur lourd d’incertitudes pour la 5ème puissance économique mondiale.

3 attentats en 2 mois : le cauchemar au plus mauvais des moments

Revenons tout d’abord sur les trois attentats dont le Royaume-Uni a été victime. Le 22 mars 2017, un homme fonce dans la foule à côté du Parlement de Westminster, avant de sortir de son véhicule et de poignarder un policier. L’attentat , revendiqué par Daesh, fait 5 morts et 44 blessés. 2 mois plus tard, le 22 mai 2017, une explosion meurtrière a lieu à la fin d’un concert d’Ariana Grande à la Manchester Arena, faisant 22 morts et 116 blessés. L’EI ne tarde également pas à revendiquer cette attaque, qui est d’ailleurs la plus meurtrière depuis l’attentat dans les transports publics de Londres le 7 juillet 2005 (52 morts, 700 blessés). Enfin, le 3 juin, une camionnette percute des passants au niveau du London Bridge. Trois hommes en sortent et commencent à poignarder des civils avant d’être abattus par la police municipale. Les autorités britanniques parlent bien d’ « attaques terroristes ».

Comment expliquer que le Royaume-Uni ait été autant visé par le terrorisme en 2017 alors qu’il semblait avoir été curieusement épargné les années précédentes par rapport aux autres pays européens ? La France, par exemple, a été victime de trois violents attentats en 2015 et 2016 – attentat de janvier 2015 dans les locaux de Charly Hebdo, celui du 13 novembre 2015 avec la prise d’otage au Bataclan et celui du 14 juillet 2016 à Nice –. L’Allemagne, quant à elle, a été touchée à deux reprises – l’attaque au camion bélier sur un marché de Noël en décembre 2016 (12 morts et 48 blessés) et l’attentat d’Ansbach en juillet 2016. On peut également citer la Belgique, secouée par un double attentat terroriste à Bruxelles en mars 2016.

Le Royaume-Uni a rejoint la coalition internationale en Irak et en Syrie qui lutte contre l’Etat Islamique en août 2014 et était pourtant soumis autant que ses voisins européens à une menace terroriste plus forte depuis cette date. L’objectif de Daesh est clair pour Abdullah Agar, ancien commando des forces armées turques : « renforcer son influence dans tous les pays qui la menacent ». Mais depuis les attentats de juillet 2005, le pays a développé une politique très efficace de lutte et de sécurité contre le terrorisme qui a pu permettre de réduire le nombre d’attentats de grande ampleur. Parmi les mesures : extension des pouvoirs d’investigation des services secrets, augmentation de la sécurité dans les transports londoniens, meilleure collaboration entre les services de police et de renseignement, prévention de la radicalisation… Pour David Lowe, spécialiste du terrorisme, « la Grande-Bretagne dispose déjà d'un vaste arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation extrémiste. Il paraît difficile de l'étendre encore plus ». D’ailleurs, les services de renseignement ont réussi à déjouer 13 projets d’attentats depuis 2013. Cependant, il est particulièrement difficile de lutter contre des « loups solitaires », qui agissent seuls, ce qui explique la difficulté de déjouer les trois attentats de cette année.

Le Royaume-Uni sort de ces trois attaques terroristes particulièrement affaibli et perçu comme la cible de la folie terroriste de l’année 2017. Un climat de peur et d’insécurité ressort de cette période, à un moment où le Royaume-Uni est en dehors de l’UE et doit faire face à cette menace plus seule que jamais.

En réponse à ces attentats, une instabilité politique de plus en plus forte et Theresa May en sursis

Le gouvernement britannique est loin d’être épargné dans l’histoire. Alors qu’il doit faire face à l’insécurité qui règne sur le territoire en montrant une image exemplaire de force et d’unité pour rassurer la population, les législatives du 8 juin 2017 laissent au contraire un gouvernement dans le doute, incertain de ce qu’il doit faire et surtout divisé, soit l’opposé de ce qu’il devrait montrer en ces temps difficiles.

Theresa May avait organisé ces législatives anticipées pour renforcer sa majorité au Parlement et ainsi obtenir un gouvernement fort à l’aube des négociations du divorce avec l’UE. Les résultats obtenus sont très loin de ceux escomptés. Les Conservateurs ont en effet vu leur majorité absolue disparaître au profit des Travaillistes menés par Jeremy Corbyn, qui gagnent une trentaine de sièges. Des discussions sont en cours, depuis une dizaine de jours, avec le Parti unioniste démocrate (DUP) irlandais pour tenter péniblement de regagner cette majorité au Parlement, mais les deux partis ne sont pour le moment pas parvenus à un accord. Les Tories disposent de 319 sièges sur les 326 requis pour obtenir une majorité, qu’ils obtiendraient avec les sièges supplémentaires du DUP.

C’est donc un nouveau revers pour Theresa May qui perd un pari à haut risque, la mettant davantage sous pression, alors qu’elle subissait déjà les critiques de ceux qui remettaient en question sa capacité à négocier un bon Brexit pour le Royaume-Uni.

Elle avait été choisie parmi les Conservateurs pour prendre la tête du parti et donc devenir premier ministre par la même occasion (le leader du parti au pouvoir devenant automatiquement premier ministre). Son bilan en tant que ministre de l’intérieur (2010-2016) dans le gouvernement Cameron est plutôt bon : elle s’est montrée ferme sur la délinquance et l’immigration et a posé les jalons d’une politique de lutte contre le terrorisme plus cohérente. Elle s’annonçait il y a un an comme la seule candidate qui puisse tenir la route pour mener les négociations du Brexit à son terme : « Un gros travail nous attend : unifier notre parti et le pays, négocier le meilleur accord possible en quittant l’UE et faire en sorte que le Royaume-Uni soit au service de tous. […] Je suis la seule candidate capable de remplir ces trois tâches ». Intransigeante, austère, et expérimentée sur le plan politique, Theresa May faisait l’unanimité dans son camp mais aussi chez les Britanniques.

Aujourd’hui, force est de constater que le personnage a perdu de sa réputation. D’abord parce qu’elle peine à assurer les trois tâches en question. Pour l’ancien ministre des finances, George Osborne, la situation est devenue intenable pour Theresa May depuis l’humiliante défaite aux législatives, la comparant à un « cadavre ambulant » sur le plateau de la BBC, et ajoutant : "la seule question est de savoir combien de temps elle va passer dans le couloir de la mort".

Ensuite, parce que ses actions suscitent la colère de la population et ne font pas l’unanimité chez les Conservateurs. Certains pensent même qu’elle devrait démissionner. Ses négociations avec le DUP Irlandais réputé homophobe pour obtenir une majorité au Parlement font débat. Après les échecs des législatives, elle a tenté de se rattraper en formant un gouvernement plus fort, mais elle n’a réalisé que des changements mineurs qui témoignent d’un certain manque d’assurance. Sa désastreuse gestion de l’incendie de la tour Grenfell, qui a causé la mort de près de 60 personnes, a suscité l’incompréhension chez les Britanniques. Pour beaucoup d’entre eux , c’est le « bazar complet ». Selon le Sunday Times, une douzaine de députés conservateurs ont prévenu la Première ministre qu’ils pourraient appeler à un vote pour la destituer si elle ne démontre pas rapidement sa capacité à diriger le pays.

A quelques heures des négociations du Brexit

Ainsi, la stabilité politique du pays n’est pas au rendez-vous à l’heure du Brexit. Theresa May va donc aborder les négociations d’une importance capitale pour l’avenir de son pays lundi 19 juin à Bruxelles, affaiblie par son revers majeur aux législatives anticipées et son absence de majorité absolue au Parlement, minée par les divisions au sein de son parti, et ébranlée par les attentats perpétrés sur son territoire. Sereine il y a quelques mois, elle se veut aujourd’hui confiante, mais la situation actuelle est loin d’être idéale.

Ce sera le ministre du Brexit David Davis qui retrouvera le négociateur en chef pour la Commission Européenne Michel Barnier à Bruxelles. La priorité du gouvernement britannique est de protéger l’emploi et de préserver la croissance. La première étape des négociations portera sur trois dossiers prioritaires : le sort des expatriés européens au Royaume-Uni et des expatriés britanniques dans l’UE, la question de la frontière irlandaise (puisque l’Irlande reste dans l’UE mais que l’Irlande du Nord la quitte dans la mesure où c’est une nation du Royaume-Uni) et le règlement financier de tous les engagements déjà pris par Londres au sein de l’UE.

Cependant, les moyens pour y parvenir divergent au sein même du gouvernement. Le ministre des finances est partisan d’un « soft » Brexit avec un maintien dans le marché unique, tandis que le ministre du Brexit David Davis préfère un « hard » Brexit. Theresa May avait annoncé qu’elle préférait quitter l’UE "sans accord plutôt qu'avec un mauvais accord". Cependant, cette position est-elle encore tenable ? Le gouvernement en charge des négociations est-il légitime dans la mesure où il pourrait changer à tout moment ? Et surtout, comment trouver un accord qui doit faire l’unanimité alors même qu’il y a des divisions au sein du parti au pouvoir ?

Le divorce avec l’UE est d’autant plus dur qu’elle semble désormais animée d’une nouvelle dynamique. Une volonté d’indépendance plus forte vis-à-vis des Etats-Unis et du Royaume-Uni s’affirme, Angela Merkel soulignant que l’Europe « doit prendre son destin en main ». L’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de la France insuffle également une nouvelle énergie à l’Europe : tenant tête à Donald Trump (on se souvient de la poignée de main ou encore du hashtag #MakeOurPlanetGreatAgain), recevant Vladimir Poutine à Versailles, assistant aux sommets du G7 et de l’OTAN, il se dit également prêt à réformer l’Europe au côté d’Angela Merkel. L’UE s’affirme également comme le leader avec la Chine des accords sur le climat, alors que les Etats-Unis se sont retirés. Ce ne sont pour l’instant que des déclarations et des promesses, mais l’Europe désire peser davantage sur la scène internationale et poursuivre son projet ambitieux d’intégration, séparant son chemin de celui du Royaume-Uni.

Les négociations s’annoncent compliquées.

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Terrorisme_en_France

http://www.francetvinfo.fr/monde/royaume-uni/attaques-de-londres/attentat-de-londres-en-trois-mois-le-royaume-uni-a-ete-touche-par-trois-attentats_2221763.html

https://fr.sputniknews.com/international/201705241031523111-cible-daech-attentat-terrorisme-attaque/

http://www.courrierinternational.com/depeche/brexit-j-3-des-negociations-may-cherche-toujours-sa-majorite.afp.com.20170616.doc.pm1g9.xml?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter&link_time=1497633303#xtor=CS1-9

http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2016/07/12/cinq-questions-sur-theresa-may-la-future-premiere-ministre-britannique_4968562_4872498.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/05/31/brexit-le-durcissement-de-la-position-d-angela-merkel-desarconne-londres_5136459_3214.html

https://www.challenges.fr/monde/europe/royaume-uni-theresa-may-le-cadavre-ambulant-de-downing-street_479383

https://www.lesechos.fr/monde/europe/0211906327665-comment-le-royaume-uni-lutte-contre-le-terrorisme-2074665.php

http://www.rfi.fr/europe/20170618-royaume-uni-may-sellette-tories-conservateurs-pretendants

Sources des images :

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