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  • Clément Visbecq

Venezuela, chronique d'une tragédie annoncée


Karl Oss Von Eeja / Pixabay

« Si la révolution bolivarienne échoue et si l’impérialisme prend le contrôle du pays, préparez-vous à une période de massacres et de morts ». Conscient des dangers pesant sur la révolution initiée par Hugo Chavez en 1999, Nicolas Maduro, tentait, en jouant sur les peurs, de garder la main sur une population de plus en plus hostile à son égard. Prévisible, en raison de l’impopularité de l’actuel président et du manque de diversification économique, la crise vénézuélienne n’en est pas moins grave et violente. La situation est telle qu’aujourd’hui la question n’est plus de savoir quand est-ce que le Venezuela sortira de la crise mais comment ce pays – 6e d’Amérique du sud en nombre d’habitants – sombrera.

Une crise économique et sociale sous fond de tensions politiques

Croissance de 6%, taux de chômage inférieur à 10% : loin sont les temps où l’économie vénézuélienne, portée par une forte demande chinoise en matières premières, faisait pâlir d’envie l’ensemble des pays latino-américains. Aujourd’hui confronté à une inflation à trois chiffres – 800%, le Venezuela est asphyxié par une crise économique sans précédent : baisse du PIB de 15%, déficit public de 20%, envolée des rendements de ses obligations, etc. Si la fonction publique n’est plus assurée, l’industrie pétrolière, quant à elle, colonne vertébrale de l’économie vénézuélienne, est en cours de démantèlement ; le gouvernement de Nicolas Maduro ne cessant d’octroyer des concessions généreuses à la Chine et à la Russie, deux de ses soutiens diplomatiques. Longtemps érigé par une partie de la gauche française en exemple de réussite d’une possible alternative au capitalisme, le modèle « chaviste », fondé sur la redistribution de la manne pétrolière, l’accès à la santé et à l’éducation ainsi que sur le soutien au chômage, au sous-emploi et à la pauvreté, est à bout de souffle. Les pénuries alimentaires, aggravées par un contrôle des changes très stricts freinant les importations, sont devenues la norme. Les Vénézuéliens, dont la majorité vivent sous le seuil de pauvreté, manquent de denrées élémentaires mais aussi de médicaments. En l’absence de statistiques précises fournies par Caracas, l’OMS estime que la mortalité infantile est revenu au niveau qu’était le sien avant l’arrivée d’Hugo Chavez. Ce n’est dès lors pas un hasard si nombre de Vénézuéliens choisissent, par défaut, d’émigrer : ainsi, en 2015, 800 000 personnes ont fui, pour la plupart vers les Etats-Unis.

À bien des égards, la situation politique n’est guère plus réjouissante : impopulaire et contesté au sein de son propre parti, Maduro ne jouit pas auprès de la population vénézuélienne de la même légitimité que son prédécesseur Hugo Chavez. En témoigne, d’ailleurs, la défaite de son parti aux élections législatives de décembre 2015 – défaite synonyme de référendum révocatoire pour le président Maduro, l’opposition ayant obtenu plus de deux-tiers des sièges. C’était, toutefois, sans compter l’obstination de ce dernier : en présentant devant le tribunal suprême de justice un premier recours en 2016, puis, un second, en mars dernier, le président Maduro a obtenu l’invalidation de l’élection de 7 candidats de l’opposition, rendant impossible la tenue d’un référendum révocatoire. Pis encore, le successeur d’Hugo Chavez a récemment suspendu les prérogatives du Parlement – le Venezuela est monocaméral –, avant de se raviser face à la pression internationale. Il prévoit désormais de convoquer une assemblée nationale citoyenne afin d’établir une nouvelle constitution, lui donnant plus de pouvoirs et affaiblissant une opposition déjà liquidée, comme le montre la condamnation du principal opposant Leopoldo Lopez à 13 ans de prison. Difficile dans ce contexte de dire quand auront lieu les prochaines élections régionales, prévues pourtant… en décembre 2016.

Une conjoncture défavorable, aggravée par la corruption et les dérives d’un président autoritaire

Première réserve de pétrole avec 25% des réserves mondiales, le Venezuela subit de plein fouet la chute des cours du baril, initiée par l’Arabie Saoudite. Le secteur pétrolier, principale source de devises du pays, a vu son activité baisser de 12,5% en 2016. Les devises étrangères se sont donc raréfiées, handicapant l’ensemble de l’économie. Ainsi, le secteur non-pétrolier a subi une contraction d’environ 20%. Si les pays du Golfe ont diversifié leur économie en se tournant vers la finance ou le tourisme, le Venezuela, à l’instar de l’Algérie, est resté principalement dépendant tant économiquement que politiquement et diplomatiquement de sa rente pétrolière, sous-estimant la nécessité d’investir dans d’autres secteurs. Dès lors, la production hors-pétrole est résiduelle, obligeant le pays à importer l’essentiel de ce qu’il consomme.

Politiquement, aussi, la conjoncture est défavorable au Venezuela : après avoir connu une vague de « gauchisation » au début des années 2000 (Nestor Kirchner en Argentine, Lula au Brésil, Correa en Equateur, Mujica en Uruguay), force est de constater que, quinze ans plus tard, ces gouvernements latino-américains dont les politiques sont caractérisées par une forte redistribution, sont remis en cause par une société en mutation, utilisant pleinement les technologies dont elle dispose. Le Venezuela n’a, au cours de ces dernières années, pas échappé à ces mouvements contestataires, en témoignent les manifestations quasi-quotidiennes depuis 2014.

Ces conjonctures défavorables sont cependant aggravées par une importante corruption sur le marché des changes, ce qui empêche davantage les entreprises de s’approvisionner en dollars, freinant les importations et amplifiant les pénuries alimentaires. Classé 166e sur 176 pays par Transparency International, le Venezuela connaît depuis 2014 un développement sans précédent du marché noir et la constitution d’une boli-bourgeoisie, profitant d’une manne de pétrodollars issue de la corruption. Aggravée, la situation l’est tout autant par le comportement du président Maduro : dans une logique de militaire en guerre, ce dernier a décidé de déployer l’armée dans l’ensemble du pays et d’augmenter le nombre de miliciens citoyens. Dans le déni, lui et son gouvernement sont accusés de manquer de réalisme économique et d’atteindre aux libertés publiques.

Vers une fin de la révolution bolivarienne ?

Si des négociations sont actuellement en cours, la communauté internationale se préoccupant de la crise vénézuélienne, diplomates et experts sont pessimistes quant à leur aboutissement : très lié aux gouvernements de Chavez puis de Maduro, Cuba, partie intégrante des négociations, n’a que très peu d’intérêts à soutenir une sortie de crise, qui plus est si celle-ci débouche sur des changements dans les plus hautes sphères du pouvoir. Principal partenaire du Venezuela au sein de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques), Cuba profite de programmes d’échanges spécifiques – médecins contre pétrole par exemple, dont la remise en cause serait fortement envisageable. Surtout, Cuba, toujours contesté par les organisations non-gouvernementales pour le non-respect des libertés, ne peut soutenir l’opposition vénézuélienne emmenée par la Table de l’unité démocratique. En d’autres termes, Cuba ne peut se permettre de soutenir la démocratie.

Dès lors, une solution diplomatique semble inenvisageable, d’autant plus que la pression internationale est faible, si ce n’est inexistante. Si Nicolas Maduro, surpris par les critiques des différents chefs d’État latino-américains, est revenu sur sa décision de suspendre les prérogatives du Parlement, rien ne suppose une intervention diplomatique des grandes puissances mondiales, l’Union Européenne n’ayant que très peu d’intérêts en Amérique latine – mise à part l’Espagne. Le jeu américain est quant à lui ambigu : s’affichant auprès de la compagne de Leopoldo Lopez, le président élu, Donald Trump, ne cesse de dénoncer le régime de Maduro ; pourtant, par l’intermédiaire de sa filiale américaine, la compagnie pétrolière étatique vénézuélienne, PDVSA, a financé à plus de 500 000 dollars l’investiture de ce dernier. La situation s’est, toutefois, récemment envenimée à l’annonce de la sortie du Venezuela de l’Organisation des États Américains (OEA), les Etats-Unis ayant voté de lourdes sanctions contre Caracas.

Dès lors, seuls les pays latino-américains – et en particulier du Mercosur, semblent être en mesure d’intervenir diplomatiquement, bien que ces derniers soient davantage préoccupés par leurs problèmes internes. Par conséquent, deux scénarios sont principalement envisageables : la révolution bolivarienne finira-t-elle par devenir une dictature assumée ou bien le Venezuela devra-t-il passer par une guerre civile pour renouer avec la démocratie ? Si les pouvoirs ne sont aujourd’hui que très peu séparés, la justice étant un bras politique du président – comme en témoignent les élections truquées des magistrats, les médias sont, quant à eux, liquidés. Choyée par Maduro en personne – elle tient un grand rôle au sein du gouvernement, l’armée reste fidèle à son président. En plus de suspendre les libertés publiques, N. Maduro fait un usage démesuré de la force publique, en attestent les 38 manifestants morts depuis avril.

En proie au chaos, et isolé sur la scène diplomatique, le Venezuela, orphelin d’Hugo Chavez, mort en 2013 est en plein doute : le modèle chaviste incarné aujourd’hui par Nicolas Maduro toucherait-il à sa fin ? Ou bien, serait-ce l’homme le représentant qui le conduit à sa perte, au risque de plonger le pays dans Cent ans de solitude ?

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