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  • Emma DUREUX

Vers la fin de l’ère Merkel ?


Angela Merkel at the end of the Thuringian state election campaign in 2014
indeedous / Wikimedia Commons

Au lendemain de l’élection du nouveau président allemand, et à 7 mois des élections les plus importantes chez notre voisin germanique qui pourraient marquer la fin de l’ère Merkel - l’élection du chancelier -, il est temps de faire un point sur la situation politique et socio-économique de l’autre côté du Rhin. Und los geht es ! (C’est parti !)

Steinmeier président, un titre honorifique mais une ligne de conduite bien déterminée

Frank-Walter Steinmeier
http://www.president.gov.ua/ / Wikimedia Commons

Dimanche 12 février 2017 s’est déroulé en Allemagne une élection sans surprise : Frank-Walter Steinmeier a été élu 12ème président de la République fédérale dès le 1er tour de scrutin, par 931 voix sur un total de 1 260 grands électeurs (les députés du Bundestag et des délégués des Länder). Ancien pasteur luthérien, figure de l’opposition démocratique dans l’ex-Allemagne de l’Est puis ministre social-démocrate des affaires étrangères, il ne souhaitait pourtant pas se présenter en raison de son âge (77 ans).

Le résultat était attendu au vu du consensus de la majorité des partis politiques autour de Steinmeier : son parti le SPD (sociaux-démocrates), mais aussi les conservateurs du CDU/CSU, les libéraux-démocrates du FDP ainsi que les Verts se sont ralliés à ce candidat. Seuls Die Linke (gauche radicale) et Alternative für Deutschland (extrême-droite) ont choisi de présenter leur propre candidat.

Pour rappel, les candidats à la présidence allemande ne font pas campagne sur un programme, car ils sont élus au suffrage universel indirect. En effet, historiquement, le président fédéral n’a aucun pouvoir, mais incarne une figure morale importante. C’est le garant des institutions du pays, dont la seule arme est la parole. Par conséquent, Steinmeier s’est empressé de déclarer sur la chaîne ARD que « l’histoire de cette République est en réalité le meilleur argument contre le populisme et tous ceux qui croient que parce que le monde est devenu plus compliqué, les réponses doivent être plus simples », faisant référence à la transition démocratique de l’Allemagne après le IIIe Reich.

Pourquoi son élection fait-elle autant de bruit, alors qu’il a un titre purement honorifique ? A peine élu, il a passé un message très politique à la tribune du Bundestag. « Nous avons besoin de courage pour défendre ce que nous avons acquis, la liberté et la démocratie dans une Europe unie. (…) Si ce fondement vacille autre part, nous devons d’autant plus le défendre », a-t-il déclaré. Steinmeier fait bien sûr allusion à Donald Trump bien que son nom n’ait pas été prononcé. L’Allemagne fédérale a toujours été un allié très fidèle des Etats-Unis depuis sa fondation en 1949, et l’élection de Steinmeier, qualifié d’ « anti-Trump », constitue une rupture majeure.

La montée du SPD dans les intentions de vote, Martin Schulz nouvel espoir ?

Les lignes politiques bougent en Allemagne en ce début d’année 2017. C’est en partie dû au parti social-démocrate SPD qui, en plus de l’élection de Steinmeier, a présenté Martin Schulz, issu de ce même parti, à l’élection du Chancelier. Ce revirement de situation (le président actuel du SPD, Sigmar Gabriel, a renoncé à sa candidature) a fait grimper les intentions de vote pour le SPD à 31% contre 30% pour la CDU (sondage Insa pour le quotidien conservateur Bild). De plus, 50% des Allemands disaient vouloir Schulz comme prochain chancelier, tandis que 34% des sondés seulement préféreraient un quatrième mandat Merkel.

Jakob Huber / flickr

« Ist Deutschland Merkel-Müde ? » Bild, le quotidien au plus fort tirage en Europe titrait : « l’Allemagne est-elle fatiguée de Merkel ? » la semaine dernière, la grande chaîne de télévision ARD a parlé de «Schulz-Euphorie-Welle» (vague d’euphorie) et l’hebdomadaire Spiegel de « Schulz Effekt ». Mais qui est celui qui pourrait détrôner Angela Merkel ?

Martin Schulz n’a pourtant pas grandi dans l’optique de faire carrière dans la politique. Il est renvoyé de son lycée catholique pour avoir redoublé deux fois et c’est un adolescent coléreux qui ne pense qu’au football. A 20 ans, une grave blessure l’empêche de s’orienter vers une carrière de footballeur. Il sombre dans l’alcoolisme et part en apprentissage dans une librairie. Il se fait élire bourgmestre de sa commune en pleine Rhénanie à 150 kilomètres de Bruxelles. En 1994, il devient député européen.

En 2003, Silvio Berlusconi lui conseille de postuler pour un rôle de kapo dans un film sur la guerre, alors que Martin Schulz l’attaque sur ses entreprises. Cette dispute est très médiatisée et propulse Schulz en premier plan. Par ailleurs, les attaques de Viktor Orban ou Marine Le Pen à son encontre, son sens du consensus, son excellente maîtrise du français et de 3 autres langues lui permettent de rester président du Parlement de 2012 à 2017, ce qui constitue un record.

Martin Schulz démissionne du Parlement européen en novembre 2016 pour rentrer en Allemagne et défendre les classes populaires. Il souhaite lutter « pour une Allemagne plus juste », dénonçant les bonus des patrons et les paradis fiscaux. Par ailleurs, il a déclaré vouloir freiner la progression de l’extrême droite en Allemagne : « Nous savons en Allemagne à quoi peut mener un nationalisme aveugle. »

2017 serait-elle un tournant pour Merkel ? La chancelière vacille sur son trône. La presse l’a longtemps qualifiée d’« alternativlos » (sans alternative) mais après 12 ans au pouvoir, plusieurs raisons pourraient l’empêcher de briguer un quatrième mandat.

“Mutti” en difficulté ?

Tout d’abord, l’accueil de 890 000 étrangers en 2015 lui a valu beaucoup de critiques, notamment de la part de son propre camp et de la CSU, petite sœur bavaroise de la CDU, en première ligne pour l’arrivée des migrants.

De cet épisode humaniste a découlé un engouement notable pour les populistes de l’AfD (Alternative für Deutschland). Avec 12% des voix, ils sont en bonne voie pour rentrer au Bundestag aux législatives (il faut obtenir minimum 5% des suffrages) : c’est une première dans l’histoire de ce parti né en 2013, eurosceptique et ouvertement raciste. La formation d’extrême-droite a même battu la CDU aux élections régionales de septembre 2016 sur les terres d’Angela Merkel.

Merkel chancelle pour une troisième raison : Martin Schulz est le premier candidat crédible face à elle depuis 2009. Il sait séduire les foules, et jouer de son parcours d’autodidacte et d’alcoolique repenti. Bien qu’il ne se soit pas encore prononcé sur son programme, il se dit « proche des petits gens », et son slogan fait mouche :« on peut ne pas avoir le bac et devenir chancelier ».

Pour toutes ces raisons, le sobriquet d’Angela Merkel, “Mutti” (Maman) n’est plus le fond de pensée de l’opinion publique. Président-fondateur de l’institut d’opinion Mente-Factum et ancien conseiller de la chancelière, Klaus-Peter Schöppner explique: « jusqu’à l’an dernier, à chaque crise qu’elle a traversée depuis son arrivée au pouvoir, -que ce soit la crise économique, bancaire, grecque ou celle de l’euro-, elle les a rassurés. Pendant une décennie, Angela Merkel a été celle qui leur a apporté la paix, la sécurité, la prospérité et le bien-être. Avec la crise des réfugiés, pour la première fois, les Allemands sont devenus inquiets et elle n’arrive plus à les rasséréner. Ils se sentent floués, frustrés, inquiets de l’avenir. »

Mais Angela Merkel peut espérer jouer sur la continuité et la stabilité qu’elle représente en ces temps troublés. Les Allemands ont longtemps été fiers de l’aura dont elle jouit à l’international (sacrée “Personnalité de l’année 2015” selon le Time). Obama la porte en haute estime et elle est la plus ancienne et la plus expérimentée du Conseil européen.

Si la chancelière s’engage dans une campagne difficile, ce n’est certainement pas dû à son bilan économique. Ni l’élection de Trump ni le Brexit n’ont ébranlé le carnet de commandes Made in Germany. Entre l’augmentation des salaires suite à un chômage faible, le marché immobilier en plein essor grâce à l’afflux des migrants et à l’urbanisation croissante, et une balance commerciale en excédent de 22,6 milliards d’euros, l’Allemagne est le pays qui se porte le mieux en Europe.

En résumé, la montée de l’extrême-droite, la crise des migrants et la perspective d’une alternance avec le SPD et Martin Schulz sont les éléments qui pourraient empêcher Angela Merkel de garder le pouvoir pour le 4ème mandat consécutif. Trump, le Brexit, l’extrême-droite montante en Europe… Un vent de changement souffle-t-il désormais sur Angela Merkel ?

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