- Rémi GUEDJ
Climat : la Chine à l'heure du changement ?
Cette réflexion commence en avril 2015, à mon arrivée à Shanghai. Comme dans beaucoup de pays d’Asie, le scooter est l’un des moyens de locomotion préférés des chinois. Chaque traversée de passage piéton est un slalom entre des dizaines de deux-roues… silencieux ! De mon expérience, au moins 90% des scooters dans les grandes villes (Shanghaï, Pékin Hangzhou, etc.) sont bel et bien électriques. Les chinois seraient-ils donc à la pointe du changement de comportement nécessaire face aux exigences du changement climatique ?
Deux réalités contradictoires
Pourtant ce que nous entendons habituellement c’est que la Chine, le premier émetteur de CO2 mondial, se défend en arguant que le “stock” est plus important que le flux. Je m’explique : la quantité existante de CO2 dans l’atmosphère est due aux pays développés, qui n’ont pas pris en compte la protection de la planète pendant plus d’un siècle et demi, plutôt qu’aux quelques décennies de croissance forte que connait la Chine. Ainsi, l’effort ne devrait être fait que par l’Europe et les USA et ces demandes auprès des émergents ne seraient qu’une manière de contenir ces derniers dans leur niveau actuel de modernisation.

La cité interdite depuis la place Tian'anmen sous différents degrés de pollution
Pourquoi la Chine est-elle si polluée ?
Bien sûr comme partout ailleurs, tout n’est pas aussi simple que les deux réalités présentées précédemment. La Chine a vu, depuis 1980, son PIB multiplié par 20 pour atteindre 4864 milliards de dollars en 2013, devant les Etats-Unis. Dans le même temps, l’Empire du Milieu a multiplié ses emissions de CO2 par 6 et dépasse ainsi, depuis 2007, les Etats-Unis aussi sur ce point-là. Vous l’aurez compris, si ces niveaux sont atteints c’est bien à cause de la croissance chinoise qui nécessite une énergie à bas-coûts : le charbon. En effet, celui-ci représente 77% de la production électrique du pays. Chaque mois, deux usines à combustion de charbon sont mises en service, tant pour renouveler le parc existant que pour suivre le rythme de la croissance.
Les autorités ont dû, en 2013, décréter 60 jours d’alerte à la pollution à Pékin. Ces alertes impliquent l’information par les médias, la circulation alternée et l’arrêt de certaines usines. A chacun de ces pics de pollution, on a même constaté une augmentation immédiate de 20% à 30% de consultations respiratoires ! Et les retombées de ces pollutions se retrouvent de plus en plus dans l’eau, augmentant d’autant l’ampleur de l’urgence sanitaire. Les autorités ont donc décidé de prendre des mesures concernant cette pollution car plus de 90% des villes chinoises mesurant officiellement leur taux de pollution atmosphérique ont dépassé les normes nationales en 2014, selon un rapport publié fin janvier 2015 par Greenpeace.
Une prise en compte de l’urgence ?
En effet, en novembre 2014, les Etats-Unis et la Chine signaient un accord sur leurs émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, les Etats-Unis annonçaient une réduction de 26 à 28 % de leurs émissions d'ici 2025 par rapport à 2005 et la Chine envisageait d’atteindre le maximum des siennes "autour de 2030”. Si c’est bien la première fois que ces deux pays faisaient réellement un pas vers une politique prenant en compte les enjeux de l’environnement et du climat, ces engagements restent cependant extrêmement modestes.
Toutefois, le XIIIème plan quinquennal, formulé par le gouvernement et donnant la direction à suivre pendant la période 2016-2020, devrait selon toute vraisemblance prendre en compte ces problèmes de pollution et d’environnement.
Deux raisons viennent expliquer ce revirement de la politique chinoise. Tout d’abord, le problème sanitaire et de santé publique exposé précédemment risque de s’avérer plus coûteux pour le pays qu’un changement de paradigme sur le plan énergétique. Ensuite, la possibilité de posséder une industrie de pointe, exportatrice et à forte valeur ajoutée, l’industrie du renouvelable et du traitement des pollutions, est une opportunité dont la Chine rêve depuis son boum économique initié dans les années 1980.

Shanghai, troisième ville la plus peuplée au monde, sous un nuage de pollution
Encore une fois, même si l’on est encore loin des efforts réalisés en Europe, la prise en compte de ces enjeux et les changements de mentalités sont déjà un véritable pas en avant vers un espoir de préservation des trésors naturels du pays.
La mise en pratique aura-t-elle lieu à temps ?
Si l’accord entre Washington et Pékin a eu lieu en novembre 2014, la vraie échéance pour toutes ces problématiques environnementales est bien la Conférence de Paris (COP21) de décembre 2015. Car même si de grands engagements internationaux y sont pris, sans la contribution de la Chine –et des Etats-Unis– cette conférence serait vouée à l’échec.
Et depuis le 30 juin dernier, c’est chose faite. Si la contribution américaine reprend au mot près l’accord signé avec l’Empire du Milieu (Zhōngguó 中国, pour les sinophones), ce dernier a décidé d’aller plus loin. Dans les faits, les dirigeants chinois en visite à Paris, ont promis quatre choses :
• d’atteindre en 2030 (et avant si possible) son pic d’émission de CO2 ;
• de baisser l’intensité en carbone de ses activités d’entre 60% et 65% par rapport à 2005 ;
• de porter la part des énergies non fossiles dans la consommation énergétique primaire à environ 20% ;
• d’augmenter son stock forestier d’environ 4,5 milliards de mètres cube par rapport à 2005.
Le pays va, pour cela, remplacer progressivement le charbon par le gaz naturel (bien moins générateur de gaz à effet de serre). Avec ce changement de technologie, la Chine espère ainsi réduire ses émissions de 10 000 tonnes de dioxyde de souffre, 19 000 tonnes d’oxyde nitrique, et 3 000 tonnes de poussières en moins par an.
La prise de conscience est donc là et l’obtention de nouveaux engagements de la part de toutes les parties au cours de la COP21 pourrait permettre la mise en place d'une action réellement efficace pour la protection de la planète.