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Clément Visbecq

Pyeongchang : des Jeux olympiques très politiques


Pyeongchang
Korea.net / flickr

Vendredi 9 février, en proclamant officiellement l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang (Corée du Sud), Thomas Bach, président du Comité international olympique, ne cachait pas sa satisfaction et sa fierté quant à la participation de la Corée du Nord. Très politiques – et ce, encore plus qu’à l’accoutumé, les vingt-troisième Jeux olympiques d’hiver ont déjà désigné, avant sa clôture le 25 février prochain, un gagnant et un perdant. Le gagnant est, sans aucun doute, Kim Jong-un, qui, après des mois et des mois d’escalade nucléaire, a proclamé lui-même la trêve olympique en envoyant une importante délégation au Sud et en renouant le dialogue avec Séoul. Le perdant n’est autre que Vladimir Poutine, le drapeau russe ne flottant pas dans la station montagnarde de Pyeongchang – une cinquantaine d’athlètes ont été interdits de participer pour suspicions de dopage. Une humiliation pour un président qui a fait du sport le symbole de la régénération nationale. Jeux et politique, accouplement tumultueux célébré à Olympe, n’a cessé au cours du XXème siècle d’épouser les crises et les tensions internationales. Quelles conséquences auront les Jeux de Pyeongchang sur le conflit nucléaire entre Kim Jong-un et Donald Trump ? Jusqu’où Moscou peut-il s’accommoder des vertueux principes imposés par les instances olympiques, elles-mêmes entachées de soupçons à la mesure d’enjeux financiers colossaux et de son fonctionnement opaque ?

Les Jeux de la Paix ?

Qui aurait imaginé il y a quelques mois, alors que les tensions entre la Corée du Nord et les États-Unis se dégradaient de manière significative, à coup de déclarations et de tweets provocants, la participation de la Corée du Nord aux Jeux olympiques de Pyeongchang ? Personne. Pourtant, vendredi, au cours d’une cérémonie placée sous le signe de la paix – en témoigne l’avant-dernier relais de la flamme, effectué conjointement par deux athlètes nord-coréenne et sud-coréenne, les deux délégations défilaient ensemble sous le drapeau de la Corée réunifiée. Au-delà des images et des symboles retenus par les téléspectateurs, pour la première fois, un membre de la famille du dictateur se rendait en Corée du Sud, Kim Jong-un ayant envoyé sa sœur Kim Yo-jong, directrice du département de la Propagande et de l’Agitation du Parti du travail de Corée, à la cérémonie d’ouverture. Preuve de la communication bien maîtrisée des dirigeants nord-coréens, cette dernière s’affichait devant les caméras du monde entier, aux côtés de Moon Jae-in, président de la République de Corée.

À bien des égards, la cérémonie d’ouverture reflète à quel point Kim Jong-un maîtrise le jeu, tout comme l’agenda diplomatique. Il faut dire que le chef d’État nord-coréen a soufflé le chaud et le froid : invité en 2017 par les organisateurs, il avait décliné l’invitation, avant de changer d’avis en janvier dernier. Une manœuvre qui n’a pour but que de montrer au monde que la Corée du Nord est raisonnable et qu’elle cherche à apaiser les tensions. À cet égard, il convient de remarquer que lors de sa dernière parade militaire, une journée avant l’ouverture des Jeux, le régime de Pyongyang n’a pas tiré de missiles, comme il en a l’habitude. Une situation bien différente de celle des Jeux olympiques de Séoul, en 1988, avant lesquels plusieurs agents secrets nord-coréens avaient pris pour cible le vol 858 de Korean Air. Le résultat de l’attentat était lourd : 115 morts. L’objectif, quant à lui, était accompli : semer un vent de terreur en Corée, quelques mois avant la tenue des Jeux olympiques d’été. Cependant, bien que différente de celle de 1988, la situation n’est pas nouvelle, les deux Corées ayant déjà défilé ensemble aux JO de Sydney (2000) et d’Athènes (2004). Alors, certes, la vitesse du rapprochement intercoréen opéré depuis le début de l’année à la faveur des « Jeux de la Paix » est extraordinaire, mais, la question reste de savoir ce qu’il en restera passée la trêve olympique. Si Thomas Bach a déjà affirmé qu’il se rendrait en Corée du Nord, Moon Jae-in fait face à un dilemme : accepter l’invitation reçue de la part de Kim Jong-un et s’aliéner Washington ou enterrer un rêve de paix qui est le combat d’une vie.

Force est de constater que le soudain rapprochement entre les deux Corées bouscule Donald Trump et les États-Unis. Pour obtenir la participation du Nord aux JO, le Sud a notamment persuadé Washington de retarder des manœuvres conjointes – sources chaque année de la colère de Pyongyang. Cependant, l’assouplissement de la position de l’administration Trump, qui avait jusqu’ici exigé que Pyongyang fasse au préalable des concessions sur la dénucléarisation avant d’engager toute discussion, est plus significatif : alors qu’il avait délibérément snobé la délégation nord-coréenne en évitant tout contact avec Kim Yo-jong, le vice-président Mike Pence a finalement entrouvert, sur le chemin du retour, la porte à un dialogue sans « pré-conditions ». Des déclarations reprises par le secrétaire d’État Rex Tillerson, lors d’un déplacement au Caire : « nous avons vraiment besoin d’avoir des discussions précédant les négociations formelles pour déterminer si les parties sont prêtes à s’engager dans quelque chose de substantiel ». Maître du jeu, Kim Jong-un tente donc de briser son isolement diplomatique et de soulager les sanctions économiques auxquelles son pays doit faire face. Bien plus encore, il cherche, sans aucun doute, à éloigner la menace d’une frappe militaire. Il faut dire que les deux Corées ont un intérêt commun à prévenir une guerre. Et si la stratégie du « feu et de la colère » de Donald Trump avait finalement fonctionné ? La menace voilée d’un recours à la stratégie militaire jouant à n’en pas douter dans le volte-face du dictateur nord-coréen. Quoi qu’il en soit, l’équilibre reste précaire et l’escalade pourrait reprendre dès la fin des Jeux. La tenue des exercices militaires américano-sud-coréens, prévus au printemps, et que Pyongyang dénonce comme des préparatifs d’invasion sera à surveiller de près…

La Russie au ban des nations

La question faisait la une des médias russes, vendredi, après le rejet du Tribunal arbitral du sport de l’appel des 47 Russes qui souhaitaient participer aux Jeux olympiques de Pyeongchang : pourquoi autorise-t-on une dictature comme la Corée du Nord à y participer alors que nous, nous n’y avons pas le droit ? Il faut dire que depuis les révélations, en 2016, de l’ex-directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grygory Rodchenkov, les relations entre le Comité international olympique et Moscou ne sont pas des plus cordiales. Dans un rapport commandé par l’Agence mondiale antidopage et dévoilé en 2016, Richard McLaren, affirmait la mise en place d’un système de dopage institutionnalisé en Russie, auquel aurait même pris part le FSB. Selon une interview donnée au New York Times par Grygory Rodchenkov, les services secrets russes se seraient chargés, lors des JO de Sotchi en 2014, de changer, en pleine nuit, les échantillons prélevés sur des athlètes russes…

Ces accusations sont contestées par Moscou, pour qui, le TAS et l’Agence mondiale antidopage agissent sous « pression américaine ». Il ne va pas s’en dire qu’il s’agit d’une tache pour la Russie à quelques mois de la Coupe du monde et d’un véritable coup dur pour Vladimir Poutine, qui avait fait du sport et de sa musculature les symboles de la régénération nationale. C’est après une très mauvaise campagne olympique (Jeux olympiques de Vancouver en 2010 : 3 médailles d’or, 5 médailles d’argent, 7 médailles de bronze – 12ème nation) que le chef de l’État, en compagnie de son ministre des sports Vitali Moutko, aurait personnellement décidé de la mise en place d’un système de dopage. Preuve de l’implication personnelle du président dans ce dossier, Vladimir Poutine a présenté des excuses publiques aux sportifs privés de Jeux. Bannie par le Comité international olympique (CIO) pour avoir mené « une attaque sans précédent dans l’histoire » contre l’intégrité sportive, en dopant ses athlètes et manipulant les contrôles aux précédents Jeux d’hiver, qu’elle organisait à Sotchi, la Russie sera toutefois bien présente à Pyeongchang. Il y avait d’ailleurs de quoi être désorienté lorsque, durant la cérémonie d’ouverture, une voix a présenté les « Athlètes olympiques de Russie ». 168 « AOR » participent, en effet, depuis vendredi aux épreuves sous le drapeau olympique.

En attendant, Grygory Rodchenkov a changé d’apparence et d’identité et vit terré quelque part aux Etats-Unis. Les services secrets américains le pensent recherché par des tueurs. Une évidence lorsque l’on sait qu’après l’éclatement du scandale, les deux derniers directeurs de l’Agence russe antidopage sont morts subitement, à deux semaines d’intervalle. Les Jeux olympiques ont, quant à eux, commencé et le premier cas de dopage vient du Japon… pays organisateur des prochains Jeux olympiques d’été…

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