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Thomas Ferrandis

Les Français face au Brexit


Un événement historique

Le 23 juin, faisant mentir tous les sondages, près de 52% des habitants du Royaume-Uni ont voté le retrait du pays de l’Union Européenne. Le Brexit, qui apparaissait alors comme un mirage lointain, presque impossible, est devenu une réalité.

Petit point historique : le terme « Brexit » s’est répandu en 2013. Le premier ministre de l’époque, David Cameron, avait alors promis que si le Parti Conservateur remportait les élections, son gouvernement proposerait un vote populaire quant à la question du maintien ou non du pays au sein de l’UE. Au terme d’une campagne particulièrement féroce qui a vu s’opposer les partisans du maintien représentés par le gouvernement et les « eurosceptiques » menés par l’ancien maire de Londres Boris Johnson, le peuple britannique a parlé.

Il s’agit ici du premier événement d’une série symptomatique d’une société internationale qui a bien du mal à panser les plaies laissées par la crise économique. Une crise qui semble aujourd’hui se transformer en une crise politique. L’élection récente de Donald Trump à la tête des Etats-Unis apparaît comme une confirmation que le monde va mal et que le « peuple » rejette cette classe politique qui n’a pas su gérer une crise qui aura duré bien trop longtemps.

Ce « NON » lancé par les Britanniques à la construction européenne soulève bon nombre de questions concernant la suite des événements. Comme si les pères fondateurs de l’Union n’avaient jamais envisagé une telle situation, il n’y a que peu d’éléments permettant de prévoir ce qui va se passer. Ainsi le critiqué traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) issu du traité de Lisbonne de 2007 prévoit en son article 50 une possibilité de retrait de l’Union pour les Etats membres, mais il ne prévoit aucun mécanisme concret sur ses modalités d’application. Ce vide juridique inquiète en haut lieu. En l’absence d’instruction juridique, chaque élément de cette « séparation » devra être entièrement fixé par le biais de négociations.

Encore sonnés par les résultats du référendum, les meneurs européens que sont l’Allemagne et la France ont longtemps espéré que le parlement britannique refuserait la décision populaire. Mais il n’en a rien été, la démocratie a encore une fois parlé. Ainsi, le 8 février, la Chambre des communes a officiellement autorisé l’activation de l’article 50 du TFUE. Suite à quoi le nouveau chef du gouvernement Theresa May a fixé la date officielle de déclenchement du Brexit au 29 mars 2017. Le divorce entre Londres et Bruxelles semble consommé.

Les négociations entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni vont donc – enfin – pouvoir commencer. Selon les spécialistes, elles devraient durer au moins deux ans. Toutefois, il semble que l’Union tienne à trouver l’issue la plus rapide possible, afin de pouvoir reprendre son processus de construction au plus vite.

L’un des principaux enjeux de ces négociations concerne l’impact du Brexit sur les Français. En effet, un grand nombre de ressortissants français vivent et travaillent sur le sol britannique. Boris Johnson avait d’ailleurs en 2013 proclamé avec humour que Londres était la 9ème ville de France, puisqu’elle accueille près de 300 000 Français.

Une remise en cause de la position des expatriés

La situation des expatriés français est très préoccupante. Etant liés par un contrat de travail à des entreprises sur le territoire anglais, la nouvelle du Brexit apparaît pour eux comme le prélude d’une période d’instabilité et d’insécurité professionnelle.

Le premier effet notable du Brexit sera probablement le rétablissement des frontières. Par conséquent, les expatriés français devront régulariser leur situation. Il est donc possible d’imaginer que ceux d’entre eux qui n’auraient pas réalisé les démarches soient considérés comme des « immigrés clandestins » sur le sol britannique. Un comble ! Leur statut ne sera probablement pas plus différent de celui des travailleurs « non européens ».

Si l’on se fie à la législation en vigueur, les règles devraient être les suivantes :

- Les personnes résidant ou souhaitant résider au Royaume-Uni plus de 6 mois devront demander une carte de résidence valable 5 ans.

- Après 5 ans, elles devront demander une carte de résidence permanente.

- Laquelle leur permettra de faire une demande de nationalité britannique 12 mois après réception

- Enfin, les expatriés français et européens pourraient devoir justifier un certain niveau de revenus pour que leur permis de travail soit renouvelé.

- Le visa touriste devrait également être restauré pour tous les citoyens européens.

En ce qui concerne les contrats de travail des expatriés, il semblerait que la solution privilégiée par les autorités britanniques soit de ne pas les modifier jusqu’à leur terme. Il s’agit probablement de la solution la plus simple et la plus pratique, dans la mesure où la durée des contrats des expatriés n’excède généralement pas 5 ans.

Toutefois si le contrat de travail semble « protégé » pour le moment, cela ne devrait pas être le cas du statut social des travailleurs français. En effet, ils perdront probablement le statut du « travailleurs détachés » ce qui signifie qu’ils ne bénéficieront plus de la couverture sociale britannique concernant l’accès au soin dans les hôpitaux. De même, le régime de retraite sera sans aucun doute modifié. Pour rappel, actuellement un Français travaillant en Angleterre cotise pour la retraite de la même manière que s’il travaillait en France.

Les candidats à l’expatriation seront eux aussi impactés directement par le Brexit. Outre les démarches d’immigration, l’emploi de français sera plus coûteux pour les entreprises. La sélection deviendra alors plus complexe et plus poussée puisqu’elle nécessitera un investissement plus conséquent de la part de l’entreprise. De même, il sera plus compliqué de chercher du travail en étant sur le territoire britannique. Actuellement, les demandeurs d’emploi français résidant au Royaume-Uni peuvent bénéficier d’allocations chômage pour une durée de 3 mois. Cette particularité interne à l’Union européenne sera donc, sauf négociations contraires, refusée aux ressortissants français en Angleterre, ce qui ne facilitera pas leurs recherches.

La fin de l’eldorado universitaire


La question de l’avenir des étudiants français au Royaume-Uni est également un point important qui devra être réglé lors des négociations. Les universités britanniques figurent à de très bonnes places dans les classements mondiaux, ce qui fait de l’Angleterre le pays favori des étudiants français souhaitant étudier à l’étranger. Ainsi, de nombreux Français décident soit d’y poursuivre leurs études, soit d’y effectuer des échanges universitaires.

La bourse ERASMUS+ est donc directement concernée par le Brexit. Bien qu’il ait été assuré que le Royaume-Uni ne sortirait pas du programme ERASMUS+ avant la sortie effective de l’UE, les étudiants sont inquiets. L’agence ERASMUS a pris position sur la question en cherchant à se montrer rassurante. Elle a en effet souligné le fait que certains pays, tels que la Norvège ou l’Islande sont membres du programme bien qu’ils ne fassent pas partie de l’Union Européenne. Ces exceptions sous-entendent des négociations entre l’Etat et l’agence ERASMUS, afin de définir un régime spécial pour le Royaume-Uni.

D’un autre coté, il faut ajouter que le rétablissement des frontières obligera les étudiants à obtenir un visa spécial et onéreux. Sur le long terme, cette démarche supplémentaire pourrait devenir un argument en défaveur du Royaume-Uni. Or les « grandes » universités anglaises comptent énormément sur les échanges internationaux. Par exemple, au sein de l’université d’Oxford, 8 étudiants sur 10 sont européens. La mise en place d’un visa étudiant payant pourrait donc entrainer la perte de bon nombre d’étudiants issus de pays membres de l’UE et entrainer une chute des universités anglaises dans les classements.

Autre problématique, celle des frais de scolarité. Il faut savoir qu’actuellement, effectuer un Master of Business and Administration (MBA) dans une des meilleures universités britanniques, coûte approximativement 25 000 euros par an. Ce prix pourrait malheureusement évoluer en défaveur des étudiants français. Jusqu'à présent, ces derniers disposaient d’un statut particulier de « ressortissant de l’Union », ce qui leur permettait de payer un prix inférieur aux étudiants dit « internationaux ». Le Brexit, pourrait entrainer la suppression de ce statut d’exception, ce qui entrainerait de fait une augmentation significative des frais de scolarité.

De plus, l’investissement en vaudrait il véritablement la peine ? Durant de longues années, les MBA étaient particulièrement prisés par les jeunes français, puisqu’ils permettaient de trouver un emploi sur le sol britannique. Or, comme expliqué précédemment, le Brexit rend la recherche d’emploi plus complexe. Ainsi, il semble fort probable que l’attractivité du pays pour les jeunes diplômés s’en trouvera également réduite.

La possibilité d’un traité entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni

La victoire des eurosceptiques au référendum oblige les pays européens à se poser la question de la future politique britannique. L’un des enjeux principaux des négociations à venir sera de s’assurer que le pays ne se referme pas sur lui-même afin de maintenir une collaboration internationale en dehors du cadre de l’Union Européenne.

L’isolationnisme serait un désastre économique pour le Royaume-Uni. Aujourd’hui, en temps que principale place financière européenne et en temps qu’allié historique de la France, le pays dispose d’une forte attractivité pour les entreprises françaises. Or qui peut prédire la réaction des marchés financiers une fois que le Brexit aura été acté? Cette incertitude entraine une certaine réticence à l’investissement. Nouvelle terre d’accueil défiscalisée, ou bien futur bunker nationaliste et conservateur? La question reste entière.

Le Brexit entrainera donc de vives négociations entre les pays européens et le Royaume-Uni. De ces négociations dépendront beaucoup d’avantages et de pratiques qui existent depuis les années 70, date d’entrée du pays au sein de l’Union Européenne. Outre les détails purement techniques, la diplomatie entre les différents acteurs sera compliquée durant les années à venir. Chacun voudra défendre les intérêts de son pays. Il s’agira donc pour les diplomates européens de trouver le juste équilibre afin de ne pas pousser le Royaume-Uni à se tourner vers d’autres alliés, tels que les Etats Unis. L’Europe aurait beaucoup à y perdre.

La solution la plus populaire auprès des autorités compétentes consisterait en la signature d’un nouveau traité, octroyant un statut particulier et unique à l’Angleterre dans ses rapports avec les Etats membres de l’Union. L’exemple Suisse est cité de manière assez récurrente. Il serait alors possible de réglementer l’essentiel des problématiques posées par le Brexit. Toutefois la question reste de savoir si les pays européens seront disposés à octroyer des avantages au Royaume-Uni, un pays qui a préféré opter pour le protectionnisme et l’isolationnisme au détriment du modèle de construction européenne basé sur la coopération et sur le libre-échange. Rien n’est moins sûr. L’avenir seul donnera une réponse à cette question.

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