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Thomas Borel

Iran : conséquences d'un retour sur la scène internationale


La prochaine levée des sanctions qui frappent l’Iran depuis 2006, suite à sa volonté de développer un programme nucléaire militaire, va grandement changer la donne géopolitique moyen-orientale, voire mondiale. La finalisation des négociations entre la théocratie chiite et le groupe dit des « 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, Allemagne, Royaume-Uni, France) va surtout mettre fin à l’embargo des Etats-Unis et de l’Union Européenne sur les produits pétroliers et gaziers iraniens. Cela permettra au pays, qui possède les 2èmes réserves de gaz et les 3èmes de pétrole, de pouvoir relancer son économie privée jusqu'ici de ses principaux débouchés extérieurs.

Hassan Rohani

La fin de l’embargo sur l’Iran peut tout d’abord être source d'une stabilité accrue au Moyen-Orient, avec un retour officiel du pays dans l’arène des discussions sur des sujets aussi sensibles que les guerres civiles syrienne et yéménite.

Le fait de traiter le régime iranien en pestiféré lors des dix dernières années et de le mettre à l’écart des pourparlers internationaux sur les conflits moyen-orientaux a eu comme seule conséquence de se priver d’un interlocuteur fiable, régionalement influent, et d'un pays leader de la cause chiite au poids démographique de près de 80 millions d’habitants, le 2ème pays le plus peuplé du M.E.N.A. (Middle East and North Africa) après l’Egypte.

Le rôle important que joue Téhéran dans la lutte contre l’Etat Islamique et la guerre civile syrienne, à travers son soutien au Hezbollah libanais, au régime de Bachar el-Assad et aux milices chiites irakiennes, en fait naturellement un acteur incontournable dans la future résolution du conflit. Il en est de même au Yémen, où les rebelles Houthis sont en grande partie armés par l’Iran. Chez certains Occidentaux, l’Iran semble un partenaire plus fiable que la plupart des pays du Golfe, dont les relations avec certains groupes islamistes tels que le front Al-Nostra ou Al-Qaeda ne sont pas toujours très claires : soutien financier apporté par certaines familles princières et propagation du wahhabisme. Ce retour à des relations normalisées est d'autant plus nécessaire que les terrorisme et extrémisme musulmans qui secouent l’Europe et les Etats-Unis sont d’origine sunnite. A noter que cette menace concerne également l’Iran qui abrite des minorités sunnites - environ 10% de sa population - en particulier dans la région à majorité arabe du Khuzestân, à la frontière avec l’Irak. La possibilité d’un front commun contre l’Etat Islamique en Irak et en Syrie entre Occident et Iran fait ainsi plus sens qu’avec les pays du Golfe.

Néanmoins ce constat est à nuancer car, si l’Iran peut décider de jouer le rôle de temporisateur dans les nombreux conflits régionaux, il peut aussi prendre le chemin inverse et choisir de créer un véritable clash avec l’Arabie Saoudite, son grand rival, qui prendrait une forme aussi bien religieuse - chiisme contre sunnisme - que géopolitique - « arc chiite » des alliés iraniens contre pays du Golfe. L’Arabie Saoudite considère déjà que le rétablissement des relations politiques et économiques de l’Occident avec l’Iran est une atteinte directe à son statut d’allié des Occidentaux, qui lui permet, sans craindre de riposte, de jouer un jeu plus que trouble avec les islamistes. Bien qu’il ne faille pas minimiser le soutien qu’apporte l’Iran à des groupes considérés terroristes comme le Hezbollah ou les brigades Al-Qods en Palestine, la menace que ces derniers font peser n’a rien à voir avec celle émanant d’entités comme l’Etat Islamique, et concerne essentiellement l’Etat d’Israël.

L’évolution de la situation régionale dépend donc directement, comme on le voit, de la volonté politique de Téhéran, qui peut aussi bien pacifier qu’attiser les braises dans la poudrière moyen-orientale.

Maintenant, essayons de considérer avec recul les implications possibles du retour de l’Iran sur la scène internationale.

Géopolitiquement, l’Iran est une pièce maîtresse du « Grand Jeu » qui se profile en Asie Centrale entre la Chine, les Etats-Unis, la Russie et l’Inde. En effet, sa proximité géographique et culturelle avec l’Afghanistan en fait un arbitre potentiel des ambitions de chacun dans le pays. A titre d'exemple, des peuples persans comme les Tadjiks, majoritaires au Tadjikistan et qui représentent plus de 40% de la population afghane, sont naturellement plus enclins à collaborer avec leurs voisins iraniens de par leur parenté ethnique et linguistique. Un retour de Téhéran sur la scène internationale pourrait conduire à un accroissement des revendications et à l’instrumentalisation des populations iraniennes d’Asie Centrale, à l’instar de ce que la Turquie a fait avec les turciques ouzbèkes au début des années 2000. L’Iran aurait ainsi vocation à se rajouter aux 4 principaux acteurs cherchant à dominer la région (la Chine et l’Inde pour s’approprier ses importantes ressources naturelles, les Etats-Unis dans leur lutte contre le terrorisme et la Russie pour protéger sa sphère d’influence historique), et être vecteur de nouveaux conflits d’intérêt.

Le pays d’Hassan Rohani possède aussi un rôle clé dans la géopolitique mondiale des hydrocarbures. La tension qu’entretient actuellement l’Iran sur le détroit d’Ormuz - par où transite 20% du pétrole échangé annuellement et tous les méthaniers qataris - par ses menaces récurrentes de bloquer tout trafic maritime à cause des sanctions, est une grande source d’instabilité dans l’approvisionnement en hydrocarbures de pays très dépendants comme la Chine et le Japon. Réintégrer le régime des mollahs dans le concert des nations, c’est aussi se prémunir de possibles « coups de folie » de ses dirigeants. Mais, au-delà de la levée du risque géopolitique, la fin de l’embargo annonce aussi la reprise des échanges pétroliers et gaziers avec les Occidentaux. Dans le contexte actuel de très faible prix du baril, qui tourne autour de 40$ ces dernières semaines, la reprise de la production iranienne au plus haut niveau est une très mauvaise nouvelle pour les pays de l’O.P.E.P., car synonyme de nouvelle baisse du marché de par l’abondance décuplée de l’offre. Mais c’est aussi pour les mêmes raisons une excellente nouvelle pour les pays développés dépendants qui vont voir leur économie bénéficier d’un pétrole à un coût presque dérisoire comparé aux 110$ par baril de 2011. Les pays producteurs de pétrole conventionnel ne sont pas les seuls touchés car les exploitations de pétrole de schiste américaines, rentables au dessus de 60$ par baril, vont devoir définitivement mettre la clé sous la porte par manque de profitabilité, tout comme les gisements arctiques en Russie, au Canada et aux Etats-Unis. Ainsi, étrangement, le retour du régime de Téhéran sur la scène internationale pourrait préserver l’environnement et mettre un frein à la mise en exploitation de la zone polaire arctique.

Voici donc brièvement exposés les deux principaux axes pour lesquels un retour de l’Iran sur la scène internationale pourrait avoir d’importantes conséquences à l’échelle mondiale.

La longueur de l’essai ne permet pas de le développer, mais on aurait aussi pu s’intéresser aux relations renforcées nouées avec la Russie grâce aux dossiers syrien et arménien. Serait-ce le signe d’une renaissance d’un « axe du mal » faisant barrage aux Etats-Unis dans le futur ?

Sources

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