La place de la France dans les relations internationales en matière d'environnement depuis 1970
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Par ces mots forts prononcés en ouverture du IVe Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002, Jacques Chirac s’érigeait en pourfendeur de l’inaction mondiale face à la menace du réchauffement climatique. Treize ans plus tard, la Conférence des Parties à Paris remportait un franc succès. Achim Steiner, directeur du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) considérait l’accord inédit signé par 195 pays comme « l’accord international le plus important de l’histoire ». L’environnement a-t-il toujours été un sujet souverain de la diplomatie française depuis 1970 ? Les mots symboliques prononcés par le président français ont-ils réellement été suivis d’effets ?
L’universalité de la diplomatie française
Héritière de l’époque gaullienne, qui en avait fait le fer de lance de sa politique étrangère, la diplomatie française rayonne encore dans le monde. Bien que sujette à des coupes budgétaires, elle se classe au troisième rang mondial en termes de représentation à l’étranger, derrière les Etats-Unis et la Chine, s’appuyant sur un réseau de 162 ambassades et de 16 représentations permanentes disséminées dans les organisations internationales telles que l’ONU ou l’OMC. La diplomatie française se caractérise ainsi par son universalité, sa volonté d’être présente à l’international pour diffuser les valeurs et la culture françaises. Contrairement à la diplomatie britannique qui se focalise sur la prospérité et sur la sécurité, la diplomatie française cherche davantage la coopération internationale sur des problématiques globales. Son engagement et sa détermination pour la cause environnementale depuis les années 1970 en sont les témoins, bien qu’en contradiction parfois avec la réalité des faits. En effet, le discours français ne concorde pas toujours avec les exigences de sa puissance économique : quand en 2009 le président Sarkozy exhortait les français à recycler davantage, faisait-il fi des 108 tonnes d’uranium appauvri enfouies au fin fond de la Sibérie ? Néanmoins, au vu de sa situation géographique, la France peut-elle se passer totalement du nucléaire, qui représente 77% de sa production d’énergie, au profit d’énergies plus vertes et plus coûteuses sans compromettre sa situation économique déjà affaiblie et, par conséquent, sans fragiliser sa puissance diplomatique ?
Toutefois, depuis les débuts de la prise de conscience mondiale du danger pour notre planète d’un modèle économique énergivore, marquée par le rapport Meadows du Club de Rome et la création du PNUE, en 1972, la France a sans cesse soutenu une entente forte entre les différents acteurs économiques pour limiter l’empreinte écologique mondiale. La France a été le grand artisan de la mise en œuvre du PNUE, dont le rôle est d’encourager le développement d’initiatives pour l’environnement à travers, notamment, le partage de technologies et de connaissances en matière de développement durable. Elle y a d’ailleurs largement promu le droit à l’environnement. Cet ensemble juridique a, en outre inspiré, la Charte de l’environnement intégrée en 2004 à la constitution française, introduisant notamment le principe de pollueur-payeur. En 1972 toujours, sous l’égide de l’UNESCO, est signée à Paris la Convention du Patrimoine mondial dont l’apport majeur a été la protection des sites inscrits aux patrimoine mondial et national considérés alors comme des lieux culturels. La France s’est donc attachée à promouvoir le respect de l’environnement dès les prémices de la mondialisation, assumant un rôle de pionnier.
La France accompagne les pays émergents
La crise économique des années 1970 et du début des années 1980 a réduit l’action mondiale et aussi française en faveur de l’environnement. Si la France a largement plébiscité la convention de Vienne en 1985, relative à la protection de la couche d’ozone, ainsi que le rapport Brundtland en 1987 qui définissait le développement durable, son profond engagement pour la cause environnementale n’a repris qu’au milieu des années 1990, après la conférence de Rio de 1992. En 1994 est en effet créé le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) avec pour objectif d’aider les pays en développement à limiter leurs émissions de CO2 via un soutien de projets porteurs sur la limitation des énergies fossiles. Il sera d’ailleurs considéré, dans le Protocole de Kyoto de 1997, comme un mécanisme favorisant la solidarité entre les pays du Nord et les pays du Sud. Dès 1998, à travers l’Agence Française de Développement (AFD), la France s’est tournée vers les pays émergents pour les accompagner vers une maîtrise de la production et la consommation de leurs énergies. Ainsi, à partir de 2004, l’AFD est venue en aide financièrement à l’agglomération d’eThekwini, regroupant Durban, la deuxième ville d’Afrique du Sud, pour la mise en œuvre de son agenda 21.
La France omniprésente dans les organisations internationales
Au-delà de son intervention sur le terrain dans les pays en voie de développement, la présence française dans les affaires internationales en matière d’environnement s’affirme dans les négociations au sein des organisations internationales. La France y joue un rôle de premier plan, surtout depuis les années 2000. Ainsi, sans le lobbying français au sein de la Commission Européenne, en 2008, la taxe carbone pour les produits issus de pays n’ayant pas ratifié l’accord international post-Kyoto 2012 n’aurait jamais vu le jour. Cela dit, c’est peut-être lors des conférences internationales pour le climat que l’engagement de la France est le plus conséquent. Seule la France s’était proposée pour organiser la COP21, après l’échec cuisant du sommet de Copenhague en 2009. Le consensus adopté par les 195 pays à Paris autour d’un sujet aussi délicat et clivant, pour un accord contraignant sur la limitation de l’augmentation des températures mondiales à 2°C, a été unanimement salué. L’organisation de la conférence, et notamment le travail réalisé en amont, entre visites de Laurent Fabius aux pays émergents et négociations anticipées, ont montré au monde que la France n’avait pas totalement perdu son rang.
Une question mérite d’être soulevée : pourquoi la diplomatie française est-elle tant engagée en faveur du respect de l’environnement relativement aux puissances équivalentes ?
Plusieurs justifications sont envisageables. D’une part, l’environnement est un des enjeux majeurs de notre siècle. En tant que pays développé et responsable la France se doit d’assurer des conditions de vie décentes à la postérité. Jouer un rôle précurseur et adopter une attitude volontaire donnent une certaine crédibilité à la diplomatie française qui lui est bénéfique lors de négociations sur d’autres sujets. D’autre part, la France démontre que, malgré les crises qu’elle traverse, elle est encore capable d’initiatives diplomatiques sur des sujets de notoriété mondiale. Surtout, la France s’inscrit dans le contexte européen. Car s’il y a bien un élève modèle de développement durable, c’est l’UE et notamment les pays du Nord. Il y a une émulation européenne qui contraint la France à s’engager en faveur de l’environnement. Enfin, la France cherche à favoriser un climat d’entente et de coopération entre les pays du Nord et les pays du Sud favorable à ses intérêts économiques : son engagement pour aider les pays du Sud est un moyen de faciliter l’accueil des investissements français dans ces pays mais aussi de conserver sa sphère d’influence en Afrique.
Finalement, la France joue un rôle central dans les relations internationales en matière d’environnement. Si son engagement a oscillé depuis les années 1970, la diplomatie française a assumé de grandes responsabilités pour aborder avec brio l’enjeu majeur du XXIe siècle. Mais la France ne peut se passer de ses grandes firmes transnationales (Total, Areva, etc.) qui, bien que peu écologiques, sont des instruments au service de sa puissance et par là-même répondent à une vocation éminemment gaullienne, celle d’une France qui s’affirme dans le monde.